Le conclave gouvernemental d’hier mercredi 14 octobre 2020 a pris entre autres décisions, de nommer un nouvel ambassadeur auprès des Nations Unies à New York. Cette décision somme toute surprenante montre un gouvernement en plein rétropédalage après avoir, quelques semaines auparavant, annoncé puis fermé le même poste pour raison d’allègement de sa carte diplomatique.
Ainsi donc, la suffisance diplomatique n’aura duré que quelques jours ! Le temps n’a pas réussi à effacer complètement les souvenirs de sa décision insolite de fermer plusieurs postes diplomatiques à l’extérieur dont celui de New York que le gouvernement, toute honte bue, revient sur sa décision. Jouant sur l’amnésie collective, il nomme un nouvel ambassadeur auprès des Nations Unies à New York et ceci sans explication particulière et comme si de rien n’était. Pourtant, le 26 février 2020, le gouvernement a pris la décision de fermer plusieurs ambassades du Bénin à l’extérieur et de ne maintenir qu’une ‘’petite’’ dizaine. Sur la liste des postes maintenus dans la nouvelle carte diplomatique, celui de New York n’y figurait pas. Les rappels à l’ordre de diplomates, d’experts en géostratégie, de personnalités et de partenaires techniques et financiers du Bénin n’ont pas réussi à faire changer d’avis au gouvernement.
Presque toutes les voix qui se sont élevées ont déconseillé au gouvernement de fermer les postes diplomatiques de New York près les Nations Unies, de Bruxelles près l’Union Européenne et d’Addis Abéba près de l’Union Africaine qui représentent des hubs diplomatiques indispensables pour le rayonnement international de tout pays. Aucune de ces voix n’a réussi à dissuader le gouvernement, grisé par une réforme qu’il croyait efficace et pour laquelle il fonçait , tête baissée. Le mercredi 26 août 2020, Aurelien Agbénonci, le ministre des affaires étrangères et de la coopération, dans l’euphorie de cette réforme « réussie » disait ceci : « Nous avons décidé d’avoir une carte diplomatique très allégée, mais renforcée. Certaines ambassades comme Paris, Washington seront des pôles régionaux. Nous serons présents sur tous les continents. Nous aurons des ambassadeurs non-résidents, qui, à partir de Cotonou, avec les moyens, opéreront et seront accrédités auprès de certains pays. C’est une modernisation de l’outil. On ne peut pas baser notre diplomatie sur des dogmes qui sont dépassés et sur des modes de représentation qui ne sont plus efficaces ».
On comprend donc que New York, c’est donc du passé pour le gouvernement. Dans cette nouvelle réorganisation, l’ambassade du Bénin aux Etats Unis basés à Washington devrait s’occuper des affaires courantes à New York. La proximité des deux villes pouvait bien militer en faveur d’un tel réaménagement mais le gouvernement a minimisé l’importance du poste de New York et des Nations Unies qui permettent à notre pays d’ouvrir une grande fenêtre sur le monde et de positionner le pays et ses cadres dans le concert des Nations. Mais tout cela n’émouvait guère le gouvernement qui donnait l’impression de se gausser de ces considérations qu’il jugeait superflues. Ce n’est donc qu’après avoir perçu quelques représailles qu’il s’est résolu à nommer un nouvel ambassadeur à New York. Selon des sources confidentielles, le gouvernement aurait essuyé un refus du pays de l’Oncle Sam de participer à l’édition virtuelle de la 75è Assemblée Générales de cette organisation à New York du 15 au 29 septembre dernier. Le gouvernement américain aurait mis également la pression sur le gouvernement pour exiger un ambassadeur ’’exclusif’’ pour s’occuper des relations bilatérales entre les deux pays. C’est tout ceci qui a amené le gouvernement à revenir sur sa décision de façon discrète pour ne pas trop alerter sur ce qu’on peut appeler une déculottée diplomatique.
Traversée du désert
L’autre couac de cette décision concerne la personne nommée. Comme le poste où il est envoyé, la nomination de la personne de l’ambassadeur Hermanne Araba est aussi un désaveu pour le gouvernement contraint ainsi en une seule décision de se dédire sur deux positions prises antérieurement. En effet, Hermanne Araba alors Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères avait essuyé une humiliation muée en sanction. Le 13 Octobre 2017, le gouvernement avait pris la décision en Conseil des ministres de relever l’ambassadeur Araba de son poste. Il lui avait été porté la responsabilité du fiasco de la visite officielle du Président Talon à Paris en septembre 2017. On se rappelle que pendant plusieurs jours, alors qu’il était en visite officielle à Paris le chef de l’Etat avait fait le pied de grue pour se faire recevoir à l’Elysée mais en vain.
Un communiqué du Ministre des Affaires Etrangères signé par son SG et pour ordre et distillé abondamment dans les médias par le Direction de la communication de la présidence de la république avait pourtant annoncé en grande pompe cette visite du chef de l’Etat à l’Elysée. Beaucoup d’observateurs avaient trouvé bizarre une telle décision, à l’époque, car l’échec d’une visite officielle du chef de l’Etat à l’étranger ne pouvait être imputée à la seule personne du Sg du Ministère des Affaires Etrangères. Mais il fallait un bouc émissaire pour ce qui était apparu manifestement comme une gifle infligée à notre diplomatie.
Selon nos sources,il devait accepter de porter le chapeau de l’échec de la visite contre une récompense plus tard. Ainsi, dans un premier temps, sa démission avait été agitée dans la presse avant d’être démentie par l’intéressé lui-même. Ce n’est que quelques jours après que son limogeage a été acté par le gouvernement. Depuis, l’affaire est restée non élucidée jusqu’à ce jour où il est promu à cet ancien-nouveau poste diplomatique. S’il a la carrure et l’expérience pour le poste, Hermanne Araba part avec cette ’’petite tache’’ noire de 2017 que les errements diplomatiques du Bénin actuellement font apparaître comme le retour en grâce d’un vrai diplomate de carrière. Après ce rétropédalage spectaculaire, des observateurs bien avertis annoncent la réouverture imminente de la représentation diplomatique de notre pays à Bruxelles et à Addis Abeba. Gageons que ces réouvertures se feront en catimini, pour ne pas subir la risée de ceux qui avaient affirmé que les fermetures des postes diplomatiques étaient un échec pour un gouvernement qui avait déclaré qu’il allait ‘’Révéler le Bénin’’ au monde. Cependant il vaut mieux tard que jamais. Car, il s’agit du destin de notre pays. Les romains disaient « Errare humanum est; sed persistere diabolicum« . Il n’y a donc pas de honte à revenir sur une erreur qui peut ternir à jamais l’image de notre pays. Le Bénin qui veut se révéler au monde ne peut être absent de New York, de Bruxelles, ni d’Addis Abeba.
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