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Fitheb au Bénin : une dissolution au goût d’inachevé

Par décision prise en conseil des ministres en date du mercredi 12 mai 2021, le gouvernement du Bénin a prononcé la dissolution avec effet immédiat du (FITHEB), Festival International de Théâtre du Bénin. En effet, le Fitheb est une association  de loi 1901 créée en République du Bénin il y a une trentaine d’année ; elle tire son capital financier du secteur public essentiellement (état béninois) et quelques autres mécènes du privé.

L’association organise tous les deux (2) ans une biennale dénommée Festival International de Théâtre du Bénin (Fitheb) qui regroupe des troupes de théâtre et de ballet du Bénin et d’ailleurs diffusant leurs productions dans diverses villes du Bénin. A chaque édition de la biennale est censée succéder une édition nationale dudit festival un an après. Cette politique d’alternance vise à susciter la création artistique au plan national et à identifier les créations locales capables de représenter le Bénin à l’édition internationale dudit festival.     

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A l’origine, et d’après la vision de ses ‘’pairs’’ fondateurs, la vocation du Fitheb était la formation des créateurs africains en général et béninois en particulier en vue d’assurer une meilleure relève artistique et culturelle, la production d’œuvre artistique et culturelle de qualité, la circulation des œuvres produites  par la biennale ou celles ayant été accueillies par celle-ci.  Plus de trente ans après, le constat est là qu’aucun de ces objectifs n’est atteint. Si la biennale a pu jusqu’à sa dernière édition se tenir cahin-caha, avec maintes difficultés et incertitudes, l’édition nationale censée lui succéder pour identifier et promouvoir les créations locales n’a jamais pu se tenir.

Les trois ou quatre mois précédents la tenue de chaque édition du Fithebconstituaient des moments de tensions, de lutte presque fratricide entre acteurs culturels ; il en est de même pour les moments de désignation du directeur exécutif et des membres du Conseil d’Administration dudit festival. Le festival était devenu un véritable objet de division du monde des arts et de la culture ; des clans naissaient de partout, les uns opposés aux autres. Celui qui arrivait à l’emporter sur les autres dictait sa loi et imposait sa gestion d’exclusion. Lentement, le Fitheb était devenu l’objet de la honte du monde des arts et de la culture mais surtout celui de tout le peuple béninois . La biennale était devenue une vache à lait et un gâteau succulent partagé entre le directeur en poste et son clan (le Conseil d’Administration et quelques associations et fédérations d’artistes sur le terrain); désormais, on accède plus au poste de directeur du Fitheb parce que l’on en a le mérite et les compétences ni parce que l’on porte une vision pour ce festival ; on y vient pour se servir ; servir son clan et ses amis dans une démarche d’exclusion hors norme.  

Dans cette ambiance, des gestions ont été catastrophiques ; d’énormes gaps financiers ont été enregistrés ; des compagnies artistiques n’ont souvent pas été payées au terme de leur prestation ; des hôtels loués pour la circonstance tout comme des agences de location de véhicules sollicitées se sont retrouvées abandonnées avec des dettes impayées sur plusieurs éditions de la biennale.

Ce triste tableau qu’a présenté le Fitheb sur plusieurs éditions a déteint sur son image, son attractivité et son rayonnement. Nombreuses sont les compagnies de théâtre et de danses qui ont mis une croix sur la biennale béninoise. Plus aucun acheteur ni de programmateur de spectacle ne se hasarde à venir sur les installations du Fitheb. Aucun média ne citait plus la biennale béninoise comme une  référence culturelle et artistique. Le Festival  International de Théâtre du  Bénin n’existait plus que par son nom et le bâtiment qui l’abritait.  

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Oeuvre utile mais…….

Dans ces conditions, le gouvernement du Bénin a fait œuvre utile en prononçant la dissolution de ce festival ; il n’a fait qu’arrêter la saignée ; une saignée qui n’a que trop duré. Mais alors, quel est l’état des lieux ? Qui sont les auteurs de cette tragi-comédie financière qui a duré plus de trente années sous nos yeux? Il y a-t-il eu une action en justice ? Des dossiers ont-ils été transmis à la Brigade Économique et Financière pour démêler les écheveaux et éclairer la lanterne du citoyen ordinaire sur cette véritable caverne d’Ali Baba ? Ce sont là autant de questions qui agitent les consciences et qui secouent les méninges, et sur lesquelles le citoyen ordinaire a bien besoin d’éclairage ! Ou bien serait-on tenté de passer ces trente années de copinage et de gabegie par perte et profit ? A qui profiterait un tel crime ?

Vivement que cette belle action du gouvernement ne s’arrête en si bon chemin ; nous sommes habitués ces dernières années à une lutte implacable contre les prédateurs de l’économie nationale ; habitués aussi à un effort constant du gouvernement dans le recul de l’impunité. Cette lutte ne doit point être sélective. Elle ne doit épargner personne ni aucun secteur.  Ce qui s’est joué au Fitheb ces trente années passées est de la prédation économique et financière ; elle mérite d’être poursuivie devant les tribunaux. Ne pas le faire serait du deux poids deux mesures et discréditerait totalement les actions du gouvernement sur le chantier de la lutte contre l’impunité et les crimes économiques.

Isidore DOKPA

Metteur en scène

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