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Mali : discours de Choguel Maïga face aux diplomates (accusations contre la France)

Je vous voudrais, tout d’abord, vous remercier d’avoir répondu à notre invitation malgré vos multiples occupations, et vous souhaiter la plus chaleureuse des bienvenues ici à la Primature pour une séance d’échanges sur les orientations et choix du Gouvernement du Mali. Avant tout propos je voudrais commencer par saluer et encourager les FAMAs, nos forces de défense et de sécurité, pour leur bravoure et pour leur engagement au combat sur le terrain. Je coudrais leur dire que les victoires militaires éclatantes, les victoires tactiques et les victoires opérationnelles engrangées ces dernières semaines et ces derniers jours remplissent légitimement les Maliens et les Maliennes de fierté et d’espoir.

Je salue l’engagement aux côtés des FAMAs de leurs frères d’armes des forces internationales. Je voudrais, enfin, vous inviter Mesdames et Messieurs, à prier avec moi à la mémoire de toutes les victimes civiles et militaires, maliennes et étrangères tombées en terre africaine du Mali. Leur sacrifice ne sera jamais vain. Notre rencontre de cet après-midi s’inscrit dans la forte tradition de dialogue et de concertation qui caractérise les relations que le Mali entretient avec chacun des pays et organisations que vous représentez ici. Au-delà des échanges bilatéraux directs que nous avons au quotidien, le Gouvernement se fait le devoir de vous rencontrer, chaque fois que de besoin, sous forme de réunion d’information ou d’échanges, autour de sujets d’intérêt commun, dont l’objectif ultime est de renforcer la compréhension mutuelle.

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L’action diplomatique du Mali repose, comme vous le savez, sur la coopération, la solidarité, l’entraide, compréhension mutuelle, le bon voisinage. Ces principes se nourrissent à la source vivifiante du dialogue fécond et constant que nous entretenons avec tous les pays amis et organisations partenaires. J’insiste bien volontiers sur les vertus du dialogue et de la concertation que nous souhaitons toujours plus fluides, dynamiques et constructifs tant avec les partenaires bilatéraux que les organisations sous régionales, continentales et internationales. C’est dans cet esprit que depuis la mise en place du Gouvernement le 11 juin 2021, nous avons reçu ici plusieurs délégations de la CEDEAO, la visite du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, plusieurs missions de structures relevant des Nations Unies et, tout récemment, la visite du Président de la Commission de l’Union Africaine.

C’est également dans cet esprit que nous dialoguons localement et régulièrement avec le Comité local de suivi de la Transition, et que je vous ai rencontré, vous membres du Corps diplomatique, le jeudi 09 septembre 2021, après l’adoption par le Conseil National de Transition (CNT) du Plan d’Action Gouvernemental 2021-2022 (PAG), afin d’échanger avec vous sur les priorités contenues dans ledit Plan. Autant l’adoption du Plan d’Action du Gouvernement a marqué une étape décisive dans le déroulement de la Transition, depuis la rectification de sa trajectoire le 24 mai 2021, autant la tenue des Assises Nationales de la Refondation de l’Etat (ANRs), du 27 au 30 décembre 2021, consacre une nouvelle phase dans la vie de notre nation et dans la marche de la Transition. Il se trouve également que notre réunion de ce jour se tient dans le contexte diplomatique et politique sous régional que vous connaissez tous, un contexte marqué par les sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO à l’encontre de notre pays, le Mali, victime d’ une triple crise sécuritaire, politique et institutionnelle, et sanitaire liée à la COVID-19

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ; Je considère l’état actuel de nos relations avec la CEDEAO, dont le Mali est membre fondateur, comme la résultante d’une brouille passagère, comme cela peut arriver entre les membres d’une même famille, sans que cela altère irrémédiablement le substrat des liens qui les unissent. Ce qui nous unit à la CEDEAO est, en effet, bien plus fort que la conjoncture politique et transcende les vicissitudes du moment. Car la vocation du Mali est l’Afrique, son unité, son intégration politique et économique. L’engagement panafricain est une constance qui habite notre pays depuis son indépendance. Il est gravé dans le marbre, au travers de toutes les Constitutions dont le Mali s’est doté, depuis le 22 septembre 1960, date officielle de la proclamation de la République du Mali en tant qu’Etat indépendant et souverain.

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Toutefois, ce qui nous oppose à la CEDEAO en ce moment est la différence de grille de lecture sur la Transition politique en cours au Mali, notamment sur ses spécificités, sur ses défis et ses enjeux qui la différencient de beaucoup de processus politiques similaires en cours en Afrique. Ce qui nous oppose à la CEDEAO c’est le prisme simpliste d’analyse qui ne tient pas compte, de notre point de vue, ni de l’aspiration profonde du peuple malien au changement et à la stabilité, ni de la complexité de la crise multidimensionnelle qui affecte le Mali depuis plus d’une décennie. Ce qui nous oppose à la CEDEAO, c’est cette volonté acharnée, sous le couvert de la préservation de l’ordre constitutionnel, de certains Chefs d’Etat de vouloir vassaliser le Peuple malien pour le compte de l’agenda cachée de puissances extra-africaines, profitant du fait qu’aujourd’hui l’Etat malien est affaibli, ébranlé dans ses fondements et se trouve à terre, pour des raisons sur lesquelles il n’est nullement besoin de s’attarder, car suffisamment connues de tous les observateurs avisés.

Nous ne nous lasserons jamais de le répéter, la Transition malienne n’est pas le fruit d’une prise de pouvoir classique de la part de militaires ayant fait irruption par effraction sur la scène politique par attrait du pouvoir. Non ! Et Non ! La Transition malienne est le couronnement du soulèvement populaire qui a mobilisé le Peuple dans la rue, des mois durant, pour exiger la fin de la dérive et l’abîme dans lesquelles la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité et l’impasse sécuritaire ont fini par plonger notre pays, menacé de dislocation si non de disparition en tant que Nation, en tant qu’Etat indépendant et souverain. Pour ce faire, le peuple malien a usé de son droit constitutionnel à la désobéissance civile prévue par l’article 121 de la Constitution. Il a protesté dans la rue à travers des rassemblements grandioses dans toutes les villes du Mali et au sein de la diaspora, des manifestations organisées par les forces du changement réunies au sein du M5-RFP.

Pendant le soulèvement populaire, qui a duré des mois, des manifestants aux mains nues ont été tués de Kayes à Bamako, y compris dans des lieux de cultes, en passant par Sikasso, à travers un usage disproportionné et frauduleux de la force publique, notamment l’utilisation d’unités de la Force Spéciale Antiterroriste qui n’ont pas vocation à faire le maintien d’ordre. Les jeunes officiers patriotes qui, au risque de leur vie, ont mis à fin à la dérive et à l’imminence d’une situation de guerre civile ont, dès le lendemain du changement de régime le 18 août 2020, dit haut et fort, avoir parachevé la lutte héroïque du Peuple. Ils ont su fédérer autour d’eux l’ensemble des Forces de Défense et de Sécurité, ainsi que les Forces vives autour d’un objectif : Sauver le Mali du chaos.

Pour montrer leur bonne foi, fait inédit, ils ont maintenu en l’Etat la Constitution en vigueur. Qui a été plus tard complétée par la Charte de la Transition issue des concertations des Forces vives de la Nation tenue en septembre 2020. Dans ces conditions et nous ne cesserons jamais de le dire, on ne peut pas ramener raisonnablement la Transition, sauf à être dans une approche réductrice, parcellaire ou binaire, à la tenue seulement et uniquement d’élections ; en occultant le fait que depuis 1992, notre pays a régulièrement organisé divers scrutins, qui ne l’ont pourtant pas épargné les ruptures à répétition de l’ordre constitutionnel.

Surtout, en occultant le fait que la grave crise politique, sociale et sécuritaire qui a conduit à la démission de l’ancien Président de la République en 2020 (paix à son âme ! ) était née justement d’une crise électorale, celle des législatives de mars et avril 2020, illustration magistrale des limites et des déficiences qui caractérisent la gouvernance électorale dans notre pays. Souvenez-vous que l’élection présidentielle de 2018 a débouché, elle aussi, sur une longue crise post-électorale qui n’est pas sans rappeler les contestations de l’élection présidentielle de 1997 et le rejet, par la rue, de la tentative de réforme constitutionnelle de 2017.

Ces différents épisodes électoraux démontrent à suffisance le besoin de mener des réformes politiques et institutionnelles substantielles pour rendre, à l’avenir, les processus électoraux les moins contestables possibles au Mali, et pour renforcer la stabilité et la légitimité des institutions constitutionnelles. Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ; La question des reformes politiques est une question fondamentale et un enjeu de stabilité et de survie pour le Mali.

De la même manière, la lutte contre la corruption et l’impunité, ainsi que le retour d’un minimum de sécurité sont des nécessités vitales pour le Mali. Ces priorités sont au cœur de la vision de refondation de l’Etat et de l’amorce du Mali Nouveau, le Mali Kura, vision résolument portée par le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Son Excellence Assimi GOÏTA.

Le Gouvernement, fidèle à cette vision du Chef de l’Etat, a soumis à la CEDEAO, à sa demande, le 31 décembre 2021, c’est à dire dès la fin des Assises Nationales de la Refondation de l’Etat, un chronogramme qui reflète l’aspiration de notre peuple au changement, et sa volonté de faire de la Transition en cours une transition de rupture et de refondation. Et non juste une Transition électorale voire électoraliste.

Au passage, je rends hommage au peuple malien qui s’est pleinement approprié les Assises Nationales de la Refondation de l’Etat. Nos compatriotes en ont fait un grand moment de sursaut national, d’échange, de rassemblement et d’espérance nouvelle au regard de leur caractère holistique, inclusive et de leurs recommandations, centrées sur la prospective, le renouveau de l’Etat et de sa gouvernance globale.

En recevant le projet de chronogramme qu’elle n’a eu de cesse de réclamer avec insistance, la CEDEAO, sans mener aucune consultation avec le Mali, a préféré lui imposer des sanctions punitives. Je le répète, les sanctions prises à l’encontre de notre pays sont illégales et illégitimes par ce qu’elles ne sont prévues par aucun texte pertinent de l’organisation. En Droit, une telle attitude de déni de légalité n’est ni plus ni moins que le fait du Prince.

Au lieu d’ouvrir le dialogue autour des propositions formulées par le Mali, il a été décrété des mesures injustes et sauvages dont l’objectif est d’asphyxier le Mali et de le présenter comme un paria parmi les nations sœurs. Avec l’objectif inavoué et inavouable, à court terme d’asphyxier l’économie du Mali, afin d’aboutir, pour le compte de qui l’on sait, et par procuration, à la déstabilisation et au renversement des institutions de la Transition.

Au rang de ces mesures figure la fermeture des frontières qu’aucune disposition des textes de la CEDEAO ne prévoit expressément, qu’il s’agisse du Traité de la CEDEAO, du Protocole additionnel du 21 décembre 2001 sur la Bonne Gouvernance et la Démocratie, ou de l’Acte Additionnel du 17 février 2012 portant Régime des Sanctions.

D’autres mesures économiques et financières ont été prises en violation du Traité de l’UEMOA et de l’article 4 des Statuts de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui stipule, je cite :

« Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférés par le Traité de l’UMOA et par les présents Statuts, la Banque Centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des Gouvernements des Etats membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne…». Fin de citation.

Outre les violations graves du droit communautaire, les sanctions de la CEDEAO violent également le droit international, en particulier certains instruments juridiques internationaux pertinents.

En effet, la Convention relative au Commerce de transit des Etats sans littoral de 1966 et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 qui fixent le principe de la liberté d’accès à la mer pour les Etats dépourvus de littoral, comme le Mali. Notre pays a adhéré aux deux conventions, respectivement le 11 octobre 1967 et 16 juillet 1985.

Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de m’appesantir sur la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, pour vous donner lecture de l’extrait de la déclaration faite par mon pays, le Mali, au moment où il y apposait sa signature, le 16 juillet 1985, je cite :

« En procédant à la signature de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la République du Mali reste convaincue de l’interdépendance des intérêts de tous les peuples comme de la nécessité de fonder la coopération internationale sur, notamment, le respect mutuel, l’égalité, la solidarité à l’échelle mondiale, régionale et sous-régionale, le bon voisinage positif entre États.

Elle réitère ainsi sa déclaration du 30 avril 1982, en réaffirmant que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à la négociation et à l’adoption de laquelle le Gouvernement du Mali a participé de bonne foi, constitue un instrument juridique international perfectible.

Au demeurant, la signature de ladite Convention ne porte préjudice à aucun autre instrument conclu ou à conclure par la République du Mali en vue de l’amélioration de sa situation d’État géographiquement désavantagé et enclavé De même, ne sont pas préjugés les éléments éventuels d’une position que le Gouvernement de la République du

Mali jugerait nécessaire de définir vis-à-vis de toute question de droit de la mer en application de l’article 310. En tout état de cause, la présente signature n’exerce aucune influence sur les orientations de la politique extérieure du Mali et sur les droits qu’il tire de sa souveraineté conformément à sa Constitution ou à la Charte des Nations Unies et à toute autre norme pertinente de droit international ». Fin de citation. Voilà la déclaration faite par l’Etat malien au moment de la signature de la convention sur le droit de la mer en 1985.

C’est fort de ces principes et conscient qu’en usant du fait du Prince, la CEDEAO et ses Etats membres sont dans l’excès et dans l’abus de droit, que le Gouvernement du Mali a élaboré le Plan de riposte pour la sauvegarde de la souveraineté et la préservation de l’intégrité du territoire national ; Plan de riposte adopté par le Conseil Supérieur de Défense, le 14 janvier 2022.

Je m’empresse de vous rassurez que le Mali demeure une terre de dialogue. Notre pays et notre peuple, profondément pacifistes et tolérants, n’entendent engager de bras de fer avec aucun Etat, ni avec aucune institution, surtout pas avec les peuples frères de la sous-région avec lesquels il est lié par un destin commun, par l’histoire et la géographie.

Toutefois, je dois ajouter que le peuple malien qui s‘est massivement mobilisé le 14 janvier 2022, comme un seul et comme jamais auparavant, avec près de 4 millions de personnes dans toutes les villes du pays et dans la Diaspora, a le sens de l’histoire, de la résistance et de la résilience.

Notre peuple l’a prouvé chaque fois que la Nation s’est trouvée menacée ou attaquée dans son honneur, sa dignité, son indépendance, son unité, son intégrité territoriale et dans sa souveraineté.

Le Mali, notre chère patrie, est l’héritier des trois (3) grands empires qui ont façonné l’Afrique de l’Ouest au fil des siècles (les empires du Ghana, du Mali et Songhoï). Faut-il rappeler que l’Islam, religion de paix, de tolérance et de concorde, s’est diffusé en Afrique de l’Ouest à travers le territoire du Mali, il y a de cela plus de 1000 ans.

Héritiers de ce grand pays, nous ne sommes pas des va-t’en guerre. En recevant le Président de la Commission de l’Union africaine le 25 janvier 2022, notre frère Moussa Faki MAHAMAT, le Président de la Transition et moi-même lui avons exprimé la totale disponibilité du Mali au dialogue avec la CEDEAO.

Je le remercie au passage, ainsi que l’Union africaine pour leurs Bons Offices. Je remercie également tous les peuples africains, y compris ceux de la CEDEAO qui nous ont nous exprimé leur soutien et leur solidarité face aux sanctions injustes et inhumaines.

De façon solennelle, je voudrais exprimer ici la gratitude de notre peuple et de notre Gouvernement à la République de sœur de Guinée, à la République Islamique de Mauritanie, et à la République Algérienne Démocratique et Populaire, tous des pays frères et voisins dont la solidarité agissante avec le Mali démontre que nous ne serons jamais isolé et que nous ne sommes pas seuls.

Je remercie également tous les peuples africains, ici sur le continent et au sein de la diaspora africaine qui, à travers leur mobilisation et leurs messages de soutien, ont démontré à la face du monde que le combat du Mali pour la dignité et la souveraineté est aussi leur combat à eux, le combat de l’Afrique ; et que le Mali n’est pas seul et ne sera jamais isolé.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ;

Du haut de cette tribune, je voudrais affirmer très clairement, ici et maintenant, que la République du Mali, les Autorités de la Transition n’ont aucune intention de s’isoler de leurs partenaires, comme on l’entend si malicieusement, çà et là, de la part de ceux qui se sont donné pour mission de les combattre et de les déstabiliser, au moment même où notre Armée engrange sur le théâtre des opérations des victoires indéniables contre les Groupes armés terroristes. En détruisant leurs bases et sanctuaires, en les neutralisant pas centaines, en en capturant des dizaines, et en récupérant sur eux des armes de tous genres, dont certaines avaient été saisies sur l’Armée malienne il y a de cela quelques mois.

Le Mali est une digue pour la stabilité régionale en Afrique de l’Ouest. Que personne ne s’y méprenne. Le Mali mérite la solidarité et non des sanctions dans sa lutte contre le terrorisme, contre les défis climatiques, économiques et sanitaires. Perdre cela de vue relève soit de l’hérésie, soit d’un agenda de déstabilisation dont on ne sait à qui il va profiter. En tout cas pas aux Maliens ni aux Africains.

Le Mali n’est pas et ne sera jamais dans une attitude belliqueuse ou d’affrontement avec la Communauté internationale.

Notre pays, notre Gouvernement, avec à leur tête le Colonel Assimi GOÏTA, ont décidé tout simplement d’opérer des choix stratégiques, de prendre des options courageuses et patriotiques pour restaurer la sécurité, pour restituer au peuple malien sa dignité et son honneur bafoués et à notre pays sa grandeur d’antan, mis sous le boisseau par les errements du passé.

Ce changement de paradigme s’est imposé à nous au regard du quotidien tragique de nos populations qui souffrent le martyr depuis 2012, du fait de l’insécurité, du terrorisme et des tensions intercommunautaires.

Le changement de paradigme sécuritaire nous est aussi dicté et enseigné par les exemples récents de la géopolitique, comme ce qu’il s’est passé en Afghanistan, où, la lassitude et l’impuissance de la Communauté internationale, après 20 ans de présence militaire, ont fini par mettre les Afghans devant leur triste sort.

Nous, Autorités de la Transition malienne, et le peuple malien avons tous en mémoire les images de ces Afghans accrochés avec l’énergie du désespoir aux trains d’atterrissage des avions, voulant abandonner leur pays, malgré deux décennies de démocratie électorale et de sécurité artificielle, pourtant largement soutenues par les troupes internationales.

L’expérience de ce pays prouve bien que l’élection à elle seule ne suffit pas pour assoir la démocratie. Elle est une condition essentielle, mais pas suffisante.

Nous avons aussi en mémoire ce qu’il est advenu de la Libye en 2011, un pays naguère stable et prospère, dont, sous le couvert de l’instauration de la démocratie, la dislocation voulue, planifiée et exécutée par des pays disposant de responsabilités internationales au sein du Conseil de sécurité de l’ONU est intervenue pendant que les

Nations Unies prônaient la protection des civils et la création d’une zone d’exclusion aérienne à Benghazi, à travers la résolution 1972 du 17 mars 2011.

On connait la suite de l’effondrement de ce grand pays qui est unanimement reconnu comme l’une des causes principales de l’instabilité et de l’implantation des mouvements séparatistes et terroristes au Mali et dans les pays du Sahel.

Le peuple malien et les Autorités de la Transition ont aussi en mémoire l’interdiction faite en 2013, par les Autorités françaises, à l’Armée malienne d’occuper une partie du territoire national, en violation flagrante de l’esprit et de la lettre du 9 janvier 2013, par laquelle le Gouvernement malien demandait à Gouvernement français une intervention aérienne immédiate pour fournir à l’Armée malienne un appui aérien et en renseignements pour stopper l’avancée des terroristes.

L’on se rappelle en effet que cette intervention, après avoir aidé en un premier temps à repousser les groupes armés terroristes, s’est muée en un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali, qui a consisté à la sanctuarisation d’une partie de notre territoire malien où la terroristes ont eu le temps de se réfugier et se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014.

Enfin nous gardons en mémoire les récents événements au cours desquels un avion militaire français, sans aucune autorisation de survol, pénètre sur notre territoire, transpondeur et système de radiocommunication éteints, y dépose on ne sait quoi, avant de repartir vers un des pays de la CEDEAO dont les dirigeants font montre d’hostilité à l’égard du Mali, et d’où il était venu en violation de l’embargo décrété, sur commande de qui on sait, contre notre pays par nos frères africains.

Que dire du dernier malentendu entre le Mali et son partenaire danois qui, malgré les termes claires de la lettre d’invitation du Gouvernement malien en date du 20 mars 2020 s’est laissé induire en erreur par la Autorités françaises, en voulant imposer sans accord préalable avec le Mali la présence de son contingent au sein de la Force Takuba.

Ne parlons même pas du scandale de cet avion militaire des forces internationales qui opère pendant des heures des vols d’espionnage au-dessus de nos bases en construction. Pris la main dans le sac en flagrant délit de violation de leurs missions officielles, le Commandement militaire qui a orchestré cet acte digne de films hollywoodiens, n’a donné comme explication que des ordres venus d’une puissance étrangère qui, en principe et légalement, n’est pas censée donner des ordres aux forces de la MINUSMA.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants du Corps diplomatique

Le 25 septembre 2021, j’ai dressé à la tribune des Nations Unies à New- York le constat de l’inadéquation entre le mode d’action des forces internationales, si massivement présentes dans notre pays, et l’extrême vulnérabilité des Maliens face aux agissements des groupes terroristes, usant de méthodes perfides et asymétriques.

Ce qui explique en partie le développement de jour en jour dans l’opinion publique malienne, le sentiment que la présence massive des forces étrangères et la multiplication des opérations militaires ( Serval, MINUSMA, Barkhane, G5-Sahel, Takuba, EUTEM, EUCAP, etc. ), ainsi que l’accroissement exponentiel de leurs effectifs, étaient inversement proportionnels à l’expansion du terrorisme avec des exterminations de masse des populations de villages entiers raillés de la carte du Mali.

Le dernier épisode tragique des tueries de masse s’est produit le 03 décembre 2021 à Songho, dans le Centre, suite à l’effroyable barbarie contre des civils, des forains, dont des femmes et des enfants, brulés vifs dans le car qui les transportait vers le marché forain de Bandiagara ; un bus de transport que leurs bourreaux ont transformé en un enfer, dans une déshumanité répugnante.

Une telle cruauté, intervenue après les massacres, en 2019- 2020, d’Ogossagou, de Sobane-Da, de Koulongo, de Kourou etc., a pu se dérouler alors même que des forces internationales sont stationnées dans les régions du Nord et au Centre, opérant souvent à quelques kilomètres des lieux des massacres.

Aucun mandat, je dis bien aucun mandat ni aucune limitation des règles d’engagement ne devraient restreindre ou empêcher la faculté d’agir pour n’importe quelle force conventionnelle lorsqu’il s’agit d’assurer la protection des civils.

Je rappelle que la résolution 2100 du 25 avril 2013 établissant la MINUSMA avait qualifié la situation au Mali de menace pour la paix et la sécurité internationales et a décidé, en conséquence, d’agir en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Dans son paragraphe 16, la résolution 2100 a fixé comme mandat initial à la MINUSMA, entre autres, « d’appuyer les autorités de transition maliennes, pour stabiliser la situation dans les principales agglomérations, en particulier dans le nord du pays, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des dispositions afin d’empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones ».

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ;

Il va s’en dire que nous avons décidé de tirer les leçons de tout ce qui précède et de nous donner désormais les moyens de protéger davantage les Maliennes et les Maliens. C’est notre responsabilité première.

Ce choix patriotique que nous assumons pleinement nous vaut aujourd’hui des menaces, des invectives, des pressions politiques, diplomatiques, économiques et financières de la part de certains partenaires qui ne conçoivent le partenariat que dans le sens de leurs intérêts exclusifs et leur seule vision de l’organisation de l’Etat. Qui estiment que c’est à eux, mais pas au peuple malien, de décider d’avoir à la tête du pays les dirigeants qu’il veut et qui font son bonheur.

Pour nous, le partenariat, c’est l’écoute mutuelle, c’est le respect mutuel, c’est agir ensemble, c’est travailler de concert sur des objectifs communs, au bénéficie mutuel de nos pays et de nos peuples respectifs.

Le partenariat, c’est la non-immixtion et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat ; c’est le respect plein et entier de sa souveraineté et de son indépendance.

Le partenariat, ce n’est pas de nous donner des injonctions, mais de se parler en faisant preuve d’écoute mutuelle, pour comprendre et si possible prendre en compte nos préoccupations réciproques.

Ces principes sacro-saints auxquels le Mali demeure fermement attaché n’ont, hélas pas toujours été observés ni respectés ces derniers temps. Ils sont même mis à mal dans le moment présent par ceux qui se croient fondés à décider pour nous et à notre place.

Quel sens donner aux décisions unilatérales d’un partenaire qui, faisant fi des accords bilatéraux vous liant, agit au mépris desdits accords qui astreignent les Parties à l’obligation de coopération et de concertation sur les questions stratégiques et sur les choix opérationnels ?

Je le dis très clairement, les décisions unilatérales et les annonces fracassantes, par voie de presse pour afficher son hostilité face à un gouvernement qu’on veut déstabiliser, parce qu’on ne l’a pas choisi comme par le passé, en le diabolisant, sont sans effet sur les dirigeants qui sont à la tête de l’Etat du Mali aujourd’hui, des dirigeants qui ont le

Mali et l’intérêt des Maliens chevillés au corps.

Notre conception relations internationales se fonde sur la coopération entre les Etats. Aujourd’hui, le Mali fait face à l’hostilité d’un partenaire qui donne la primauté à ses relais personnels et à ses amitiés avec des individus au détriment des relations d’Etat à Etat. Un partenaire qui refuse de coopérer avec notre pays au motif inavoué que les dirigeants actuels à la tête de l’Etat ne lui convient pas.

On entend tout et son contraire sur les raison du départ de l’ambassadeur de France dont la présence au Mali, longtemps tolérée par notre Gouvernement, a été discréditée par ses les déclarations et agissements impertinents de ses propres autorités nationales.

Des autorités qui n’ont pas hésité un seul instant à demander au Gouvernement malien en février 2020, de rappeler illico presto son Ambassadeur accrédité en France sur la base de simples déclarations que notre représentant a eu à tenir au Sénat, à l’invitation des Sénateurs français sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j’allais dire mercenaires.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ;

Le Mali comprend aisément les points de préoccupation que certains de ses partenaires peuvent avoir, en raison de leur histoire propre ou des principes de leur politique étrangère. Notre Gouvernement aussi comprend le principe automatique de solidarité qui guide les membres d’une même communauté régionale.

Le Mali demeure en même temps confiant que rien ni personne ne vous induira en erreur pour altérer votre jugement ou pour instrumentaliser des organisations tout à fait respectables ou des ONG dans un but qui ne reflète pas la noblesse et la pertinence de leurs mandats.

Le Mali réitère ici, par ma voix, sa disponibilité à poursuivre et à renforcer sa coopération bilatérale, privilégiant les canaux directs, avec tous ses partenaires, sur la base des principes d’égalité, de respect mutuel et de réciprocité dans les relations internationales.

Autant l’Afrique est notre famille naturelle, à nous Maliens, autant l’Europe demeure le continent le plus proche de nous au plan géographique, et avec lequel nous avons développé, qu’il s’agisse de l’Union Européenne ou de ses Etats membres, une coopération forte et confiance depuis plusieurs décennies, une coopération exemplaire que les brouilles passagères avec un Etat membre ne sauraient et ne devraient altérer.

Autant nous revendiquons notre proximité historique avec l’Algérie, la Russie, la Chine, le Maroc ou la Turquie, autant nous nous honorons de notre amitié avec les Etats-Unis d’Amérique, avec le Canada, l’Allemagne, le Brésil, Cuba ou le Venezuela.

Le Mali, pays carrefour, berceau de civilisations millénaires est une terre d’accueil et d’hospitalité, à la confluence des valeurs universelles ; une terre de savoir et de mémoire qui commerçait avec le reste du monde et qui a établi, dès le moyen âge, des relations commerciales et diplomatiques avec des nations du Maghreb, du Sud de l’Europe et d’Orient.

Ce pays, le Mali, connait les usages diplomatiques. C’est au nom de ces usages que nous avons demandé récemment à tous les pays désireux de se joindre à la Task Force européenne TAKUBA, de veiller désormais au respect des procédures juridiques qui encadrent le déploiement de leurs contingents, sans préjudice des relations privilégiés que le Mali entretient avec chacun des pays qui y participent.

Outre l’invitation écrite du Président de la République, la procédure requiert l’agrément dûment délivré par le Gouvernement du Mali. La procédure ainsi décrite s’applique uniquement aux unités en attente de déploiement.

C’est le lieu de rassurer le Gouvernement du Royaume du Danemark, pays avec lequel nous entretenons d’excellentes relations d’amitié et de coopération, de notre volonté de cheminer ensemble et de notre engagement à faire face aux défis du développement, de la paix et pour la promotion des valeurs de liberté et des droits de l’homme.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des organisations internationales ;

Je voudrais à présent conclure en remerciant tous les partenaires, bilatéraux et multilatéraux qui accompagnent le Mali dans ses efforts de stabilisation, de redressement et de développement.

A travers vous, je donne l’assurance à vos Gouvernements et à vos organisations respectifs de la reconnaissance de notre peuple pour votre présence à nos côtés et de l’engagement indéfectible du Président de la Transition et du Gouvernement à maintenir et à renforcer les liens d’amitié et de coopération qui nous unissent, dans un esprit de bon voisinage, de solidarité agissante, de recherche de bénéfice et de respect mutuels.

Le Mali tient au respect de ses engagements internationaux.

Enfin, j’exhorte la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne et les Nations Unies et les organisations financières internationales à continuer à avoir une lecture objective et lucide de la situation complexe du Mali, afin de trouver les modalités de soutien et de d’accompagnement pour une Transition réussie, qui tiennent compte des besoins du Mali et de leurs exigences propres.

Je vous remercie de votre aimable attention.

3 réponses

  1. Avatar de Napoléon1
    Napoléon1

    Le Mali pour réussir la réfondation du pays tel que souhaite mle peuple souverain doit sortir de la CEDEAO et mettre l’armée francaise et les armées européenne s à la porte.
    Il faudra le faire lwe plus vite que possible. Si non les occidentaux feront du Mali ce qu’ils ont fait dela Corée en 1950: diviser le pays.

  2. Avatar de Sèmassa
    Sèmassa

    Cool, la france honte à toi . Ici c’est africa style.

  3. Avatar de Tchité
    Tchité

    Secret de polichinelle. C’est des divisions et de guerres que vit depuis toujours la France. Après la mondialisation, le monde actuel est au point de la MILITARISATION de la MONDIALISATION, ou les armées et légions étrangères sont envoyées pour garder des mines d’or, d’uranium, de colbat, coltan etc.

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