Le président français Emmanuel Macron entame une visite au Bénin avec un léger changement de programme. Attendu ce matin comme prévu, il est descendu plus tôt dans la nuit d’hier en provenance du Cameroun. Une visite qui s’annonce sans grand enthousiasme au sein de la classe politique béninoise et de l’opinion nationale. Sans doute plusieurs dossiers seront mis sur la table notamment les questions sécuritaires et de démocratie, mais au lieu d’une visite de travail comme l’affirme l’usage protocolaire, plusieurs personnes estiment qu’il s’agit d’une visite de réchauffement des relations entre ses deux pays en froid depuis quelques mois.
C’est son premier déplacement au Bénin depuis sa première élection en France en 2017 puis sa réélection en 2022. Pendant deux jours le président Emmanuel Macron séjournera à Cotonou dans le cadre d’une mini tournée qui a commencé au Cameroun et se terminera en Guinée Bissau. Ses faits et gestes seront particulièrement scrutés. Autant le dire tout de suite, c’est une visite qui ne sera pas marquée d’une pierre blanche dans les annales de l’histoire contemporaine de ces deux pays. Ce n’est pas la grande liesse populaire comme lors de la visite de son prédécesseur François Hollande le 01 et 02 juillet 2015 au cours de laquelle celui-ci avait fait l’éloge de notre pays en le qualifiant de « référence démocratique en Afrique ». Il avait saisi cette occasion pour envoyer un message aux dirigeants d’autres pays du continent qui tentent de s’accrocher au pouvoir. Rien à voir également avec celle du président François Mitterrand les 15 et 16 janvier 1983. Même le président Jacques Chirac avait fait mieux le 02 septembre 1995 lors du 6ème sommet de la francophonie.
Dans l’histoire des relations entre le Bénin et la France, c’est la première fois qu’un dirigeant français est reçu, sans grand enthousiasme aussi bien de la part de la classe politique que dans l’opinion nationale. Le menu est d’ailleurs peu copieux pour le dirigeant français. Le parcours du président français se fera dans un rayon d’à peine 1,5 km2, entre l’aéroport , la présidence de la République et Sèmè-City. Au programme, un tête-à-tête entre les deux hommes, une conférence de presse où les journalistes sont triés sur le volet, une visite des trésors royaux d’Abomey dans l’enceinte même du palais de la présidence et une rencontre avec les sportifs béninois. Et c’est à peu près tout. Pas de rencontre ni avec la jeunesse béninoise comme ce fut le cas à Ouagadougou ni avec la classe politique encore moins avec les opérateurs économiques. Pas de signature d’accords de partenariat économique où militaire même si au dernier moment, le protocole a ajouté la signature de certains dont personne ne connait les termes. Dans le cas d’espèce, les ministres concernés se concertent au prime abord pour rédiger et s’accorder sur tous les aspects du document avant de les soumettre à la signature des chefs d’État. Ce n’est pas le cas.
La France en chute libre en Afrique
Il faut reconnaître que jusqu’à sa réélection, la stratégie et la politique africaine de Macron consistaient à éviter les pays sous influence de la France après les indépendances de 1960. Pendant ce temps, l’ancien pays colonisateur a perdu de sa superbe. Sa position de partenaire privilégié en Afrique a chuté de plusieurs niveaux. D’abord dans le secteur de la sécurité où il est remplacé par la Russie. Ensuite sur le plan économique où la Chine lui a damé le pion. Macron a dû réaliser que son pays était en train de perdre ses intérêts traditionnels dans son ancien pré carré africain au profit d’autres états. Un rejet croissant de ce pays qui s’est exacerbé au Mali avec le départ exigé et obtenu par les militaires au pouvoir, des troupes françaises des opérations Barkhane et Takuba grâce aux manifestations spontanées ou organisées des populations.
Entre la réélection du président Talon en 2021, celle de Macron en 2022 et la perte de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale française, les deux hommes ont eu une passe d’armes à fleurets mouchetés qui a plombé leur relation. Cette visite apparaît donc comme un geste symbolique pour montrer que l’eau a coulé sous le pont. Il s’agit plutôt d’une visite symbolique de réchauffement des relations entre les deux pays. Le seul sujet d’importance qui sera abordé est relatif à la sécurité dans le Sahel . Le 13 juillet dernier à la veille de la fête nationale française, Macron s’est adressé aux armées françaises. Il a parlé de la politique militaire en Afrique en affirmant qu’il faut la repenser et changer de paradigme.
A ce sujet, les Béninois veulent entendre les annonces concrètes au moment où l’opération Barkhane est en plein démontage dans un contexte compliqué avec les autorités du Mali. Aujourd’hui, le Bénin est au cœur de la lutte anti-djihadiste et il essaie de contrôler cette menace à ses frontières au nord avec le Burkina et le Niger. Les deux hommes parleront certainement de cette réorganisation et savoir comment ils pourraient contribuer à renforcer la sécurité dans cette zone. Peut- être allons-nous vers l’installation d’une base militaire française au Bénin ? Wait and see. Mais, exit le volet démocratie et droits de l’homme. Les dossiers de l’ancienne ministre Réckyath Madougou et du professeur Joël Aïvo en prison depuis plusieurs mois seront peut-être traités en privé. Il en est de même de celui des exilés politiques. Somme toute, cette visite du président français risque de laisser les Béninois sur leur faim.
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