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Drépanocytose: Un mal inguérissable qu’on peut prévenir

docteur, medecine

La drépanocytose fait plus de 200.000 décès par an en Afrique selon l’organisation Drep Afrique. Un entretien avec l’hématologue Romaric Massi éclaire sur cette maladie difficile à contenir. 
Dr Romaric: La drépanocytose est une maladie génétique qui est transmise des parents aux enfants. C’est une maladie du globule rouge.  En effet, dans le globule rouge il y a un transporteur qu’on appelle hémoglobine qui a pour rôle de transporter l’oxygène et de diffuser l’oxygène dans l’organisme. La forme normale de l’hémoglobine est la forme A. Il existe également des formes anormales de l’hémoglobine : c’est l’hémoglobine S ou l’hémoglobine C. Le sujet normal sera AA et le sujet drépanocytaire sera soit SS soit SC. Il existe aussi des sujets porteurs  asymptomatiques de la maladie: ce sont les sujets AS ou les sujets AC.

Comment savoir si l’on est porteur de la forme anormale de l’hémoglobine ou non ? 

 Pour connaître son statut par rapport à la drépanocytose, il faut faire l’électrophorèse de l’hémoglobine et il faut surtout faire l’électrophorèse de l’hémoglobine dans un laboratoire qui s’y connaît parce que parfois nous rencontrons des erreurs d’élaboration de l’électrophorèse de l’hémoglobine donc il faut le faire dans un centre qui s’y connaît en matière de réalisation d’électrophorèse de l’hémoglobine. Lorsqu’on fait l’électrophorèse de l’hémoglobine on va pouvoir distinguer comme nous l’avons dit plus haut les sujets normaux AA, les sujets porteurs asymptomatique AS ou AC et les sujets drépanocytaires SS ou SC. Ceci permet de savoir très tôt, les conditions à mettre en place pour avoir une bonne qualité de vie. 

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Comment se manifeste la drépanocytose ?

 La maladie se manifeste principalement par des douleurs osseuses et articulaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que dans certaines régions on parle de <<Houdou-houdou>>, la maladie qui se manifeste par les douleurs osseuses mais cette douleur osseuse est en réalité dû à une occlusion des vaisseaux c’est-à-dire que les globules rouges du drépanocytaire n’ayant pas la forme normale arrondie et ayant plutôt une forme en demi-lune n’arrive pas à circuler correctement dans les vaisseaux et donc il va se créer des bouchons dans les vaisseaux et une fois qu’il y a des bouchons dans les vaisseaux, l’oxygène ne circule pas et les tissus qui ne reçoivent pas l’oxygène vont exprimer leur souffrance par la douleur. Et donc, ce phénomène de bouchons dans les vaisseaux va concerner également d’autres organes par exemple les poumons ce qui va donner de douleurs thoracique notamment; le cerveau, ce qui va donner un accident vasculaire cérébral qu’on appelle en Abrégé un AVC.  Ça peut également concerner les intestins ce qui va donner une crise vaso-occlusive abdominale.  En plus des manifestations douloureuses, il y a également l’anémie qui est une anémie chronique parce que les globules rouges du drépanocytaire étant anormaux, ces globules vont être éliminés précocement. On va donc avoir une anomalie chronique et comme en éliminant les globules rouges on a le contenu des globules rouges qui est déversé dans le sang il y a un pigment qui est déversé dans le sang qui va colorer les yeux en jaune donc le drépanocytaire aura de façon constante un ictère. C’est-à-dire que les yeux seront jaunes chez certains drépanocytaires. On a également une grosse rate, ce qu’on appelle une splénomégalie. C’est une grosse rate qui se situe du côté gauche de l’abdomen du drépanocytaire. Dans certaines régions ils appellent ça << gbagbla>>,  aussi chez le drépanocytaire on a une grande facilité à faire des infections à répétition. Il y a d’autres manifestations qui vont toucher les yeux, qui vont toucher le cœur, qui vont toucher le rein, qui vont toucher la vésicule biliaire…mais retenons pour l’essentiel l’anémie chronique, l’ictère, les infections, les douleurs osseuses et articulaires et la grosse rate.

Quelles sont les conditions que doit prendre un drépanocytaire pour s’assurer une bonne qualité de vie ? 

 Le sujet qui a la drépanocytose doit apprendre à vivre avec la drépanocytose. C’est-à-dire qu’il y a des règles qu’il faut suivre lorsqu’on est drépanocytaire. Déjà il faut un suivi médical strict. Normalement, les sujets drépanocytaires sont vus de façon périodique à l’hôpital pour pouvoir prévenir un certain nombre de complications. Donc systématiquement chaque 3 mois, un drépanocytaire doit être vu par un spécialiste de la drépanocytose qui va pouvoir l’emmener faire un petit check biologique et vérifier si tout est dans les normes. Il y a également un bilan annuel sur un certain nombre d’organes prioritaires pour vérifier et anticiper sur les complications chroniques de la drépanocytose. Indépendamment de ça, le drépanocytaire lui-même doit s’hydrater correctement parce que nous avons dit précédemment que la manifestation est par l’occlusion des vaisseaux c’est-à-dire les bouchons dans les vaisseaux donc plus le drépanocytaire s’hydrate plus il facilite la circulation de globules rouges dans les vaisseaux. Pour un adulte drépanocytaire, c’est en moyenne 3 litres d’eau par jour. Il faut boire de façon continuelle et atteindre en moyenne 3 litres d’eau dans les 24 heures, il faut lutter contre le froid c’est-à-dire que quand il fait froid, le drépanocytaire doit porter des vêtements. Dans le même temps, il faut lutter contre la déshydratation ce qui veut dire que lorsqu’il fait chaud il faut porter des vêtements légers. Dans tous les cas, qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid, le drépanocytaire doit continuer à boire suffisamment d’eau pour faciliter la circulation des globules rouges dans les vaisseaux. Le drépanocytaire doit lutter farouchement contre le paludisme parce que le paludisme détruit les globules rouges et va aggraver l’anémie chez le drépanocytaire. Ce dernier doit dormir systématiquement sous moustiquaire, mettre des grillages sur les portes et sur les fenêtres. L’environnement dans lequel vit le drépanocytaire doit être salubre. Il ne faut pas laisser les flaques d’eau séjourner autour de l’habitation du drépanocytaire. Ces conditions permettent d’éviter les crises de paludisme qui viennent aggraver l’anémie. Chez le drépanocytaire, il doit avoir une hygiène irréprochable parce que nous l’avons dit tantôt la drépanocytose facilite les infections à répétition notamment les infections graves donc il faut absolument que l’hygiène soit irréprochable: hygiène alimentaire hygiène vestimentaire hygiène même du milieu où vit le drépanocytaire. Le drépanocytaire doit éviter les situations de stress parce que le stress est un facteur qui peut déclencher les douleurs donc le drépanocytaire doit éviter le stress continuel. Le drépanocytaire doit avoir une carte de vaccination à jour parce que pour prévenir les infections graves, il y a l’hygiène bien entendu mais il y a des médicaments que nous prescrivons au drépanocytaire en cours de consultation pour éviter les infections. Il y a également les vaccins que nous prescrivons pour le  drépanocytaire pour éviter les infections récurrentes. Ce qu’il doit suivre régulièrement parce que c’est lors de ce suivi qu’on arrive à anticiper sur les complications et ça permet au drépanocytaire d’avoir une qualité de vie meilleure.

La drépanocytose est une maladie héréditaire. Peut-on quand même la prévenir ? 

 La drépanocytose est une maladie qu’on peut prévenir de façon formelle. Cela passe par quoi ? Cela passe par la réalisation de l’électrophorèse de l’hémoglobine avant de se mettre en couple. Nous préconisons toujours la réalisation de l’électrophorèse de l’hémoglobine avant que deux personnes ne se mettent en couple parce que c’est comme cela qu’on peut éviter la drépanocytose à la descendance. Deux sujets AS par exemple ne vont pas se mettre ensemble parce qu’on sait que si deux sujets AS se mettent ensemble il y a un risque qu’ils fassent un enfant drépanocytaire SS. Un sujet AS et un sujet AC ne vont pas se mettre ensemble parce qu’on sait qu’il y a un risque qu’ils mettent au monde un enfant SC. Donc la réalisation de l’électrophorèse de l’hémoglobine avant de se mettre en couple est capitale pour éviter à sa descendance la drépanocytose.

Un conseil à donner à la population pour endiguer les dégâts de ce mal ? 

 Comme nous l’avons dit tantôt, la drépanocytose est une maladie qui ne guérit pas. C’est une maladie génétique. Aujourd’hui nous n’avons pas encore dans les contextes où nous travaillons au Bénin les capacités de guérir la drépanocytose. Mais on peut la prévenir et donc s’il y a un conseil formel à formuler à l’endroit de tous ceux qui vont lire ceci surtout à l’endroit des jeunes, c’est ceci: Réalisez votre électrophorèse de l’hémoglobine avant de vous mettre en couple et s’il y a un risque que quand vous vous mettez en couple vous puissiez donner naissance à un drépanocytaire, il vaut simplement mieux d’aller chercher un autre sujet avec qui vous êtes compatible. Parce que, lorsqu’on a la possibilité d’éviter la drépanocytose à son enfant et qu’on ne prend pas les dispositions pour lui éviter cette maladie qui est lourde aussi bien au plan économique qu’au plan psychologique, lorsqu’on évite pas cette souffrance à son enfant, plus tard on regrette amèrement. Il vaut mieux tout faire pour éviter cette maladie à ses enfants en faisant simplement une électrophorèse de qualité avant de se mettre en couple.

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