Les relations franco-maghrébines ont longtemps été une valse diplomatique, alternant entre rapprochements prometteurs et crises soudaines. Cette danse complexe, héritée d’un passé colonial et nourrie par des enjeux contemporains, a particulièrement marqué les liens entre la France et l’Algérie. Aujourd’hui, dans un contexte géopolitique mouvant, Paris semble vouloir renouer avec Alger, malgré les écueils qui persistent.
Le 14 juillet 2024, jour de fête nationale française, a offert une fenêtre inattendue sur cette volonté de rapprochement. Stéphane Romatet, ambassadeur de France en Algérie depuis un an, a profité de cette occasion symbolique pour lancer un message fort depuis sa résidence à Alger. Ses propos, empreints d’un optimisme mesuré, traduisent une nouvelle approche diplomatique, plus conciliante et tournée vers l’avenir.
« Nous avons besoin l’un de l’autre« , a déclaré Romatet, soulignant l’interdépendance des deux nations face aux défis communs. Cette affirmation, qui pourrait sembler anodine, prend tout son sens dans le climat politique actuel. La France vient en effet de traverser une période électorale tumultueuse, où l’extrême droite a frôlé le pouvoir. Le spectre d’une victoire du Rassemblement National, formation ouvertement hostile à l’Algérie, a plané sur les relations bilatérales comme une épée de Damoclès.
L’ambassadeur n’a pas hésité à exprimer son soulagement face à l’échec de cette « funeste tentation de l’extrême« , qui aurait pu, selon ses mots, plonger les relations franco-algériennes dans une « tragique régression ». Cette franchise inhabituelle dans le langage diplomatique témoigne de l’importance cruciale que revêt l’Algérie aux yeux de la France.
Mais au-delà des considérations politiques, Romatet a su toucher une corde sensible en évoquant les liens humains qui unissent les deux pays. Telle une tapisserie finement tissée, l’histoire commune de la France et de l’Algérie entremêle des fils douloureux et lumineux. L’ambassadeur a reconnu ce passé trouble, parlant d’une histoire qui a « séparé, opposé, déchiré, meurtri » les deux nations. Cependant, il a choisi de mettre l’accent sur l’avenir, affirmant que la géographie et le destin ne peuvent que les rapprocher.
Cette approche, qui mêle lucidité historique et optimisme prospectif, s’inscrit dans un « agenda positif » dont Romatet se veut le porteur. Elle contraste avec la ligne dure prônée par certains de ses prédécesseurs, notamment Xavier Driencourt, devenu après sa retraite un critique acerbe de l’Algérie sur des questions sensibles comme l’immigration.
La démarche de la France s’apparente à une main tendue, dans l’espoir de construire un pont par-dessus les eaux troubles du passé. Cependant, cette main reste suspendue dans l’attente d’une réponse algérienne. La visite tant attendue du président Abdelmadjid Tebboune en France, prévue pour l’automne, pourrait être le moment décisif de cette tentative de rapprochement.
Néanmoins, les défis restent nombreux. Les questions mémorielles, l’immigration, et les enjeux sécuritaires au Sahel sont autant de sujets épineux qui pourraient faire dérailler ce processus de réconciliation. La France marche sur un fil, tentant de concilier ses intérêts stratégiques avec les attentes d’une Algérie fière et parfois méfiante.
En définitive, la déclaration de Romatet ressemble à une bouteille à la mer, lancée dans l’espoir qu’elle atteigne les rivages algériens. Elle illustre une France qui, consciente des mutations géopolitiques en cours, cherche à renouveler son approche du Maghreb. L’avenir dira si cette sérénade diplomatique saura faire vibrer la corde sensible des relations franco-algériennes, ou si elle restera lettre morte dans les arcanes de l’histoire tumultueuse entre ces deux nations.
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