Maghreb : le français en difficulté dans ce pays

Marrakech - Maroc (Depositphotos)

Depuis plusieurs années, un vent de changement linguistique souffle sur le continent africain. Du Sénégal à l’Éthiopie, en passant par le Ghana et le Kenya, de nombreux pays cherchent à revaloriser leurs langues nationales face à l’héritage colonial. Cette tendance, motivée par des considérations identitaires et pratiques, vise à rapprocher les institutions des citoyens et à faciliter l’accès à l’éducation. Le Maroc s’inscrit aujourd’hui pleinement dans ce mouvement, avec une volonté affirmée de rééquilibrer son paysage linguistique.

Au cœur de ce débat, un rapport parlementaire marocain vient jeter un pavé dans la mare. La Chambre des conseillers pointe du doigt ce qu’elle qualifie de « déséquilibre flagrant » dans l’usage des langues au sein du royaume chérifien. Malgré leur statut officiel consacré par la Constitution de 2011, l’arabe et l’amazighe peinent à s’imposer dans les sphères administratives et éducatives du pays.

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Cette situation paradoxale pourrait être comparée à celle d’un orchestre où les instruments locaux seraient relégués au second plan, laissant la vedette à un soliste étranger. Le français, bien que n’ayant pas de statut officiel, occupe en effet une place prépondérante dans ces domaines cruciaux. Ce constat soulève des questions sur l’adéquation entre le cadre légal et la réalité du terrain.

Face à cet état de fait jugé « inacceptable », le rapport exhorte le gouvernement à prendre ses responsabilités. Il appelle à un véritable rééquilibrage linguistique, accordant la priorité à l’arabe et à l’amazighe dans l’administration et l’enseignement. Cette démarche s’apparente à un exercice d’équilibriste : il s’agit de promouvoir les langues nationales tout en reconnaissant l’importance des langues étrangères, notamment l’anglais, dans un monde globalisé.

Le cas de l’amazighe est particulièrement révélateur des défis à relever. Treize ans après sa reconnaissance officielle, son intégration dans les rouages de l’État reste embryonnaire. On pourrait comparer cette situation à celle d’un invité d’honneur qui, bien qu’ayant reçu son carton d’invitation, se retrouverait sans siège à table.

Au-delà des aspects purement linguistiques, ce débat soulève des questions plus profondes sur l’identité nationale et la décolonisation culturelle. En cherchant à réduire la prédominance du français, le Maroc semble vouloir tourner une page de son histoire, sans pour autant renier les apports positifs de cette langue.

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Cette quête d’équilibre linguistique pourrait avoir des répercussions importantes sur la société marocaine. Une plus grande présence de l’arabe et de l’amazighe dans l’administration et l’éducation pourrait faciliter l’accès aux services publics et améliorer les résultats scolaires, en permettant aux citoyens d’interagir et d’apprendre dans leur langue maternelle.

Cependant, la mise en œuvre de ces recommandations ne sera pas sans défis. Elle nécessitera des investissements importants en termes de formation des fonctionnaires et des enseignants, ainsi que la production de matériel pédagogique adapté. De plus, il faudra veiller à ce que cette transition ne se fasse pas au détriment de l’ouverture internationale du Maroc.

Le Maroc se trouve à la croisée des chemins linguistiques. Le débat actuel reflète une volonté de réaffirmation identitaire tout en maintenant une ouverture sur le monde. L’enjeu est de taille : il s’agit de créer un modèle linguistique inclusif qui respecte la diversité culturelle du pays tout en préparant ses citoyens aux défis du XXIe siècle. Le succès de cette entreprise pourrait bien inspirer d’autres nations africaines en quête d’un nouvel équilibre entre langues nationales et héritage colonial.

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