Le Maghreb, carrefour stratégique entre l’Afrique et l’Europe, est depuis longtemps le théâtre de tensions complexes. Deux conflits majeurs continuent de façonner la dynamique régionale : la question du Sahara occidental et le conflit israélo-palestinien. Le Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et le Front Polisario soutenu par l’Algérie, reste une pomme de discorde depuis des décennies. Parallèlement, la normalisation des relations entre le Maroc et Israël en 2020 a ajouté une nouvelle dimension aux tensions régionales, notamment vis-à-vis de l’Algérie, fervent soutien de la cause palestinienne. Ces deux dossiers s’entremêlent, créant un écheveau diplomatique complexe où les États-Unis jouent un rôle crucial.
Dans ce paysage géopolitique mouvant, l’ambassadeur des États-Unis en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, a récemment accordé un entretien à La Patrie News, offrant un éclairage sur la position américaine. Arrivée à Alger en février 2022, la diplomate dresse un bilan de sa mission, mettant en lumière les efforts déployés pour renforcer les relations bilatérales entre Washington et Alger, tout en naviguant dans les eaux troubles des conflits régionaux.
Une diplomatie d’équilibriste
L’ambassadeur Aubin souligne les progrès réalisés dans les relations algéro-américaines, évoquant des partenariats économiques renforcés et un engagement accru dans des domaines tels que l’apprentissage de l’anglais. Elle met en avant la reprise des rencontres au sommet entre les dirigeants des deux pays, une première depuis 2006, comme symbole de ce rapprochement.
Toutefois, la diplomate américaine doit jongler avec des sujets sensibles. Sur la question du Sahara occidental, elle réaffirme le soutien des États-Unis au processus onusien, tout en maintenant la position américaine qui considère le plan d’autonomie marocain comme « une solution viable« . Cette posture, si elle se veut équilibrée, illustre la difficulté pour Washington de satisfaire à la fois Alger et Rabat.
Concernant le conflit à Gaza, Aubin insiste sur la convergence de vues entre les États-Unis et l’Algérie sur trois points : la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat, l’acheminement de l’aide humanitaire, et la solution à deux États. Elle salue les efforts de l’Algérie pour unifier les factions palestiniennes, tout en rappelant la position américaine qui pointe la responsabilité du Hamas dans le déclenchement des hostilités le 7 octobre.
Le Maghreb, échiquier complexe
La normalisation des relations entre le Maroc et Israël, si elle n’est pas présentée par l’ambassadeur comme une source directe de tensions en Afrique du Nord, reste un sujet délicat. Aubin minimise l’impact régional de ce rapprochement, affirmant ne pas voir Israël comme une menace pour l’Algérie, malgré les inquiétudes exprimées par Alger.
La question de la vente d’armements américains au Maroc, notamment des missiles Javelin et des systèmes HIMARS, est abordée avec prudence. L’ambassadeur insiste sur l’amitié des États-Unis avec les deux pays et leur espoir de voir un jour l’Algérie et le Maroc renouer des liens amicaux, écartant toute volonté américaine de provoquer un conflit entre les deux voisins.
La diplomate évoque également les efforts américains pour faciliter un dialogue entre Alger et Rabat, soulignant l’importance pour les deux pays de s’asseoir à la table des négociations pour résoudre leurs différends.
L’entretien de l’ambassadeur Elizabeth Moore Aubin révèle la complexité de la diplomatie américaine au Maghreb. Entre le soutien à ses alliés traditionnels et la volonté de maintenir un équilibre régional, Washington tente de naviguer dans un environnement politique volatile. Les progrès dans les relations bilatérales avec l’Algérie sont mis en avant, mais les défis restent nombreux. La résolution des conflits au Sahara occidental et à Gaza, ainsi que l’apaisement des tensions entre l’Algérie et le Maroc, demeurent des objectifs cruciaux pour la stabilité régionale. Dans ce grand jeu diplomatique, les États-Unis cherchent à jouer un rôle de médiateur, tout en préservant leurs intérêts stratégiques dans une région au carrefour de l’Afrique, de l’Europe et du Moyen-Orient.
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