Naturalisations en Europe : vers un changement dans ce pays ?

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L’Europe traverse une période de durcissement des politiques de naturalisation. De nombreux pays renforcent leurs critères d’obtention de la citoyenneté, imposant des tests linguistiques plus stricts, des périodes de résidence prolongées, voire des examens culturels controversés. Cette tendance, observée du Danemark aux Pays-Bas en passant par la Hongrie, reflète une montée du nationalisme et une méfiance croissante envers l’immigration. Pourtant, au cœur de ce climat conservateur, l’Italie pourrait adopter une approche novatrice, remettant en question les fondements traditionnels de l’attribution de la nationalité.

Le « droit du stylo » : une proposition inattendue

Au sein de la coalition gouvernementale italienne, une idée surprenante émerge : le « ius scholae », ou « droit du stylo ». Cette proposition, portée par Forza Italia, le parti fondé par Silvio Berlusconi, vise à accorder la citoyenneté italienne aux enfants nés de parents étrangers ou arrivés dans le pays avant l’âge de 12 ans, à condition qu’ils aient suivi au moins cinq années de scolarité ininterrompue en Italie. Cette initiative marque une rupture avec le droit du sang actuellement en vigueur, qui impose aux enfants d’attendre leur majorité pour demander la nationalité.

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Le débat sur cette réforme potentielle a pris de l’ampleur à la suite des performances olympiques d’athlètes italiens issus de l’immigration. Les exploits de volleyeuses comme Paola Egonu et Myriam Sylla, nées de parents africains, ont mis en lumière la contribution des Italiens de première génération au rayonnement national. Ce constat a incité la gauche à relancer ses plaidoyers pour le droit du sol, trouvant un écho inattendu au sein même de la coalition de droite au pouvoir.

Un débat qui divise la majorité gouvernementale

L’idée du ius scholae ne fait pas l’unanimité au sein de la coalition gouvernementale. Forza Italia défend cette évolution comme un moyen d’intégration par l’éducation, estimant que la citoyenneté doit se gagner par le parcours scolaire. Le parti argue que l’école favorise l’intégration des étrangers en permettant d’intérioriser le respect des valeurs du pays. Cette position est soutenue par des figures importantes du parti, dont Antonio Tajani, ministre des Affaires étrangères, qui affirme que la force de l’Italie réside aussi dans sa capacité à intégrer des personnes étrangères.

Cependant, d’autres formations politiques de la coalition y voient une concession inacceptable. La Ligue de Matteo Salvini a vivement réagi, accusant ses alliés de Forza Italia de se compromettre avec la gauche. Le parti a même produit un photomontage mettant côte à côte le visage du leader de Forza Italia et celui de la secrétaire du Parti démocrate, pour souligner cette supposée compromission. La Ligue maintient que la loi actuelle sur la citoyenneté est satisfaisante et qu’il n’y a pas besoin de « raccourcis ».

Le parti de la Première ministre Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, reste quant à lui discret sur le sujet, maintenant sa préférence pour le droit du sang. Cette prudence témoigne de la complexité du débat et des enjeux politiques qui l’entourent. Entre volonté d’ouverture et crainte de l’immigration clandestine, le gouvernement italien cherche un équilibre délicat.

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Vers une redéfinition de l’identité nationale ?

La proposition du ius scholae soulève des questions fondamentales sur l’identité nationale et les critères d’appartenance à la communauté italienne. En mettant l’accent sur l’éducation comme vecteur d’intégration, Forza Italia propose une vision de la citoyenneté basée sur le partage de valeurs et d’expériences communes, plutôt que sur la seule filiation. Cette approche pourrait redessiner les contours de l’identité italienne, en reconnaissant la diversité comme une force plutôt qu’une menace.

Elle offre une alternative au modèle du droit du sol, jugé trop radical par certains, tout en s’éloignant du conservatisme du droit du sang. Le débat italien pourrait ainsi inspirer d’autres pays européens confrontés aux défis de l’intégration et de la cohésion sociale dans un contexte de diversité croissante.

Alors que l’été touche à sa fin, l’avenir de cette proposition reste incertain. Sa survie au-delà des discussions estivales et son éventuelle traduction législative dépendront de la capacité des partis à trouver un consensus. Les partisans du ius scholae devront convaincre leurs alliés politiques de la pertinence de cette réforme, tout en rassurant ceux qui craignent une remise en cause trop radicale des principes d’attribution de la nationalité.

Ce débat témoigne d’une Italie en pleine réflexion sur son avenir et sa place dans une Europe en mutation. Il illustre les tensions entre tradition et modernité, entre préservation de l’identité nationale et adaptation aux réalités d’une société multiculturelle. Quelle que soit l’issue de ces discussions, elles auront le mérite d’avoir relancé une réflexion cruciale sur les fondements de la citoyenneté et de l’appartenance nationale dans l’Italie du XXIe siècle.

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