Les relations entre le Maroc et l’Algérie cristallisent depuis des décennies les tensions au Maghreb. De la sanglante « Guerre des Sables » en 1963, qui a fait plusieurs centaines de morts, au conflit gelé du Sahara occidental, les deux voisins accumulent les différends. La fermeture des frontières terrestres en 1994, maintenue depuis près de 30 ans, illustre la profondeur de ces tensions. Plus récemment, la rupture des relations diplomatiques en 2021 et l’arrêt du gazoduc Maghreb-Europe ont marqué un nouveau pic dans cette rivalité historique. C’est dans ce contexte déjà tendu qu’un nouveau front s’ouvre autour d’un produit emblématique de la région : la datte.
Le marché des dattes, nouveau terrain d’affrontement
Dans les allées des souks de Casablanca, la colère gronde. Des commerçants marocains ont manifesté cette semaine contre la présence de dattes algériennes sur leurs étals. « Ces importations menacent notre production nationale », affirme Ahmed, vendeur depuis 20 ans au marché central. Les chiffres semblent lui donner raison : les importations ont bondi de 21% en un an, atteignant 132 000 tonnes. Cette augmentation survient paradoxalement alors que la consommation locale diminue, sous l’effet de la hausse des prix. La production marocaine, estimée à 140 000 tonnes annuelles, peine à répondre à la demande malgré les efforts de modernisation de la filière. Les manifestants dénoncent une « concurrence déloyale » et appellent à privilégier les variétés locales comme la Mejhoul ou la Boufeggous, fleurons de la production nationale.
Entre tensions commerciales et enjeux économiques
La situation du marché des dattes révèle des enjeux plus profonds. Les prix ont atteint des sommets inédits : la Mejhoul se négocie entre 40 et 140 dirhams le kilo, tandis que la Boufeggous oscille entre 50 et 80 dirhams. Cette inflation s’explique en partie par la multiplication des intermédiaires dans la chaîne de distribution. « Les vraies victimes sont les consommateurs », déplore Karima, mère de famille rencontrée au souk. À l’approche du Ramadan, période où la consommation de dattes est traditionnellement la plus forte, la crainte d’une nouvelle flambée des prix inquiète. Les associations de consommateurs pointent du doigt les « lobbies » qui contrôleraient le marché, tandis que les autorités peinent à réguler les prix. Cette situation met en lumière la nécessité d’une réforme profonde de la filière, au-delà des tensions géopolitiques entre les deux pays.
La crise des dattes illustre ainsi comment les tensions politiques entre le Maroc et l’Algérie se répercutent sur le quotidien des populations, transformant même les produits les plus traditionnels en symboles de rivalité régionale.
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