Institution historique de l’enseignement religieux, le daara occupe une place centrale dans la mémoire collective sénégalaise. Il représente un espace d’apprentissage, de transmission des valeurs islamiques et d’éducation morale. Mais cette vocation est aujourd’hui brouillée par une réalité troublante : dans les rues de Dakar, des milliers d’enfants talibés mendient quotidiennement pour survivre. Une étude de l’ONG GSI, relayée par l’ambassade des États-Unis, révèle que sur les 183 835 talibés recensés dans la capitale, près de 28 000 sont soumis à la mendicité. Ces chiffres posent une question de fond : que reste-t-il de l’idéal éducatif initial des daaras quand celui-ci débouche sur l’exploitation d’enfants vulnérables ?
Des assises pour refonder une institution clé
Le 28 novembre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye avait annoncé la tenue prochaine d’assises nationales consacrées aux daaras. Une promesse devenue réalité cette semaine avec l’ouverture officielle des travaux réunissant maîtres coraniques, acteurs associatifs, responsables religieux et représentants de l’État. Cette initiative veut offrir un cadre de dialogue structuré autour des enjeux liés à la modernisation et à la régulation de ces écoles coraniques, sans dénaturer leur essence.
Le président a souligné la nécessité d’aborder sans détour les abus qui défigurent l’image des daaras, notamment la mendicité forcée, qu’il a qualifiée d’inacceptable. L’objectif est de sortir du déni institutionnel pour poser un diagnostic partagé et imaginer ensemble des solutions durables. Le défi n’est pas seulement de protéger les enfants, mais aussi de redonner aux daaras les moyens de remplir leur mission spirituelle dans des conditions dignes.
Vers un nouveau pacte social autour des daaras
Ces assises marquent une tentative inédite de réconciliation entre tradition et responsabilité sociale. En plaçant ce sujet au cœur du débat public, le président Diomaye cherche à bâtir un nouveau consensus : faire évoluer les daaras sans les effacer, les soutenir sans les abandonner à eux-mêmes. Cela suppose des choix budgétaires, une réforme de leur statut juridique, mais aussi un engagement fort des communautés locales.
La réussite de cette démarche dépendra de la capacité à traduire les recommandations issues des discussions en actions concrètes. Les talibés ne peuvent plus attendre que les intentions se transforment en mesures efficaces. Si ces assises parviennent à enclencher une dynamique de réforme sincère et continue, elles auront posé les bases d’un modèle de daara compatible avec la dignité des enfants, les valeurs religieuses et les exigences d’un État protecteur.
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