Lors d’une interview accordée ce 3 avril, le Président Bassirou Diomaye Faye avait choisi la prudence sur un point très sensible : sa participation au Conseil supérieur de la magistrature. Il avait évoqué un besoin de consensus préalable à toute réforme structurelle, esquivant un engagement clair sur un éventuel retrait du chef de l’État de cette institution centrale du système judiciaire sénégalais. Cette réserve, loin d’être anodine, traduisait une conscience aiguë des tensions que suscite ce sujet dans les milieux politiques et judiciaires.
Un mois plus tard, sur la chaîne nationale, le ministre conseiller juridique Sidy Alpha Ndiaye a mis fin à toute ambiguïté : le président restera membre du Conseil supérieur de la magistrature. Ce choix met un terme aux conjectures et affirme une volonté d’exercer une influence directe sur les équilibres internes de l’institution judiciaire. Pour autant, le ministre n’a pas présenté cette décision comme un retour au statu quo, mais comme l’amorce d’une transformation plus large dans la manière dont le Conseil fonctionne.
Vers une composition élargie du Conseil
Ce maintien du président dans l’organigramme du CSM s’accompagne d’un projet d’ouverture. Le ministre a révélé que des universitaires et des personnalités extérieures seront bientôt conviés à siéger aux côtés des magistrats. Une manière de briser l’entre-soi souvent reproché à cette instance. L’introduction de profils extérieurs au monde judiciaire pourrait apporter des regards neufs, mais aussi poser la question de leur marge d’influence réelle dans une structure historiquement dominée par des logiques internes au corps judiciaire.
Cette nouvelle configuration, si elle se concrétise, redéfinira les rapports entre le pouvoir exécutif et les gardiens de la loi. On peut y voir une tentative d’équilibrer une présence présidentielle maintenue avec des voix diversifiées autour de la table. Reste à savoir si ces réformes changeront les dynamiques d’influence ou si elles se limiteront à une recomposition formelle sans effet sur les décisions majeures du Conseil.
L’indépendance judiciaire à l’épreuve de la réforme
Le maintien de Bassirou Diomaye Faye au sein du CSM soulève une question qui dépasse le cadre institutionnel : peut-on prétendre renforcer l’indépendance de la justice tout en conservant un pouvoir présidentiel aussi proche du mécanisme de nomination et de discipline des magistrats ? Cette tension entre autorité politique et autonomie judiciaire n’est pas propre au Sénégal, mais elle y prend un relief particulier à l’heure où le nouveau président affiche une volonté de rupture avec les pratiques passées.
En optant pour la continuité à ce niveau, tout en introduisant des éléments de réforme dans la composition du Conseil, le chef de l’État semble privilégier une approche progressive plutôt qu’un changement radical. Ce choix, prudent mais assumé, pourrait satisfaire ceux qui redoutaient une présidence affaiblie face à des institutions non consolidées. Mais il pourrait aussi nourrir les critiques de ceux qui espéraient une césure plus nette entre pouvoir politique et justice. Dans les mois à venir, c’est l’efficacité et la transparence du CSM dans ses décisions qui permettront d’évaluer si cette voie médiane peut produire les résultats escomptés.


