Depuis son arrivée à la tête du gouvernement sénégalais, le tandem Diomaye Faye – Ousmane Sonko affiche une volonté claire de redonner un élan structurant aux relations du Sénégal avec ses voisins. Cette orientation se manifeste à travers des actions concrètes sur le terrain, et la récente visite du Premier ministre Ousmane Sonko à Abidjan en est l’illustration la plus récente. Dans un contexte où les enjeux économiques, sécuritaires et institutionnels interconnectent de plus en plus les pays de la sous-région, le choix de la Côte d’Ivoire comme première destination diplomatique d’envergure pour Sonko témoigne d’une stratégie mûrement réfléchie. Plutôt que de multiplier les visites symboliques, le chef du gouvernement sénégalais semble vouloir privilégier des échanges axés sur des résultats mesurables à court terme.
Vers un corridor économique efficace entre Dakar et Abidjan
L’entretien entre Ousmane Sonko et le Premier ministre ivoirien Robert Beugré Mambé a mis en lumière des préoccupations partagées par les deux capitales : ralentissements douaniers, lenteurs administratives, lourdeurs réglementaires. Ces freins, longtemps tolérés comme des « complications naturelles » du commerce interétatique en Afrique de l’Ouest, sont désormais vus comme des obstacles à éliminer rapidement. Ousmane Sonko a proposé de rouvrir la Commission mixte sénégalo-ivoirienne, une plateforme autrefois active mais tombée en léthargie, en lui assignant une mission simple : dans les six mois, proposer des solutions concrètes pour fluidifier la circulation des biens et des personnes. À travers cet objectif à échéance rapprochée, Dakar cherche à passer d’une diplomatie d’intentions à une diplomatie de l’action, en mettant la pression sur les résultats. Le corridor économique Dakar-Abidjan pourrait devenir un axe vital comparable à celui qui relie Lagos à Accra, pour peu que la volonté politique affichée se traduise en mécanismes opérationnels.
Une diplomatie économique orientée vers la résolution
La rencontre avec le président Alassane Ouattara a permis de consolider ces ambitions à un niveau plus stratégique. Bien au-delà des symboles, le Sénégal souhaite bâtir avec la Côte d’Ivoire un partenariat orienté vers la résolution de problèmes pratiques, dans une logique de co-développement. Cette posture contraste avec les démarches classiques basées sur les déclarations solennelles sans suivi. Le gouvernement sénégalais veut faire de la coopération régionale un levier pour répondre aux attentes internes : emploi des jeunes, baisse des coûts logistiques, compétitivité des PME exportatrices. Dans ce sens, la diplomatie devient un outil d’ingénierie économique, non plus réservée aux sommets internationaux, mais active au quotidien dans la gestion des flux commerciaux, des normes douanières ou de la mobilité transfrontalière.
L’exemple ivoirien offre un terreau favorable à ce renouveau. Avec une économie en croissance, un tissu industriel diversifié et une ouverture assumée sur la CEDEAO, la Côte d’Ivoire représente pour le Sénégal non seulement un partenaire naturel, mais aussi un miroir stratégique. La mise en œuvre effective des engagements évoqués lors de cette visite pourrait donc bien redéfinir les standards de la coopération bilatérale dans la sous-région ouest-africaine. À condition que la dynamique engagée ne soit pas freinée par les inerties administratives habituelles. Pour l’heure, Dakar semble vouloir reprendre le contrôle de son agenda régional, non plus en réagissant aux crises, mais en les anticipant par une diplomatie de proximité résolument tournée vers l’efficacité.
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