Sénégal : La CDC risque de fâcher les bailleurs

Résidences au Ghana (Photo DR)

Le 22 mai 2024, la Caisse des Dépôts et Consignations du Sénégal tournait une page importante. Cheikh Issa Sall, alors directeur général, passait le relais à Fadilou Keita, nouveau visage à la tête de cette institution stratégique. Dans une interview récente ce dernier annonce une mesure qui pourrait profondément bouleverser les rapports entre locataires et bailleurs : une réforme du système de gestion des cautions locatives. Cette orientation audacieuse intervient dans un contexte de pression immobilière constante, notamment à Dakar, où le prix des loyers et les avances exigées étouffent une partie croissante des ménages urbains.

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Une réforme qui redistribue les cartes

Le projet en question propose de confier à la CDC la gestion des cautions locatives, avec un mécanisme qui empêcherait leur transfert direct aux propriétaires. Concrètement, l’argent versé au début du contrat serait consigné par l’État via la Caisse, qui en assurerait la garde jusqu’à l’expiration de la location. L’idée, défendue par Fadilou Keita, est de renforcer la transparence, protéger les locataires contre les abus et limiter les pratiques abusives autour des dépôts de garantie. Dans les faits, cela reviendrait à retirer aux bailleurs le contrôle immédiat de ces fonds, ce qui ne manquera pas de susciter des crispations.

Ce modèle, qui rappelle certaines pratiques observées dans des pays européens, introduit une tierce partie entre les deux protagonistes habituels du contrat de location. Pour les locataires, souvent confrontés à des avances faramineuses parfois non remboursées, cela représente une sécurité bienvenue. Pour les propriétaires, en revanche, cela pourrait être perçu comme une perte d’autonomie, voire comme une remise en cause de leur pouvoir de négociation. Cette tension naissante révèle les résistances que cette réforme devra surmonter pour se concrétiser.

Entre encadrement des loyers et volonté de régulation

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Derrière cette proposition, c’est une volonté de réguler un marché locatif perçu comme déséquilibré depuis des années qui se profile. À Dakar, où les prix grimpent sans toujours suivre des critères objectifs, de nombreux ménages consacrent une part écrasante de leurs revenus au logement. En transférant la gestion des cautions à une institution publique, les autorités espèrent instaurer des garde-fous sans pour autant geler les dynamiques du secteur. Cela pose néanmoins la question de la réaction des bailleurs privés, qui pourraient revoir leurs exigences à la hausse, contourner le dispositif ou se montrer plus sélectifs dans le choix de leurs locataires.

Ce tournant marque un test grandeur nature pour Fadilou Keita. Le défi est de taille : concilier la régulation du marché, la protection des citoyens et la préservation de la confiance des investisseurs immobiliers. La CDC, longtemps perçue comme un acteur discret du développement, s’invite ainsi dans un débat brûlant, avec à la clé des répercussions concrètes sur le quotidien de milliers de Sénégalais. Reste à voir si le pari de l’équilibre entre équité et efficacité saura convaincre les différentes parties prenantes.

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