Sénégal : la Haute Cour de justice rouvre ses portes lundi pour cinq anciens ministres de Macky Sall

Depuis l’indépendance, le Sénégal n’a eu recours à la Haute Cour de justice qu’en de très rares occasions. Deux seulement, pour être exactes. La première en 1963, lors du procès historique de Mamadou Dia, alors président du Conseil, accusé de tentative de coup d’État. La seconde en 2005, avec la mise en accusation de l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, dont la procédure s’est conclue par un non-lieu complet. En plus de soixante ans, cette juridiction spécialisée, réservée au jugement des plus hauts responsables de l’État pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, est restée quasiment muette. Mais cette longue dormance vient d’être rompue.

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Pastef relance la machine judiciaire

Depuis son arrivée à la tête de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye n’a pas caché les intentions de Pastef en matière de reddition de comptes. Le 8 octobre 2024, il annonçait une initiative sans précédent : relancer la Haute Cour de justice afin de juger d’anciens ministres du régime Macky Sall. Une déclaration qui faisait l’effet d’un coup de tonnerre dans la classe politique, d’autant que la machine judiciaire n’a pas tardé à se mettre en mouvement. Une commission d’instruction a été formée, confiée aux plus hauts magistrats de la Cour d’appel de Dakar et de la Cour suprême. Ce dispositif, chargé d’instruire les dossiers, marque une volonté de traiter ces affaires avec la rigueur requise à ce niveau de responsabilité.

Parmi les personnalités ciblées, cinq anciens ministres devront se présenter devant la Haute Cour : Moustapha Diop, Amadou Mansour Faye, Aissatou Sophie Gladima, Salimata Diop et Ismaïla Madior Fall. Ils sont soupçonnés de fautes graves commises durant leur mandat et devront répondre aux questions des magistrats dans les jours à venir. Pour la première fois depuis des décennies, cette juridiction redevient active et visible, avec des enjeux à la fois judiciaires, politiques et symboliques.

Un signal politique aux multiples lectures

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L’activation de la Haute Cour de justice envoie un message clair sur la nouvelle orientation du pouvoir : marquer une rupture nette avec les pratiques jugées opaques du passé. Mais au-delà de l’engagement affiché en faveur de la transparence, cette démarche soulève également des questions de méthode et d’équilibre institutionnel. Certains y voient une volonté de restaurer la confiance dans les institutions, d’autres un instrument potentiel de règlement de comptes politiques. Dans un pays où les alternances ont souvent été pacifiques mais tendues, la relance d’une telle procédure suscite autant d’espoirs que de réserves.

Pour l’opinion publique, habituée à voir des scandales rester impunis, cette reprise de l’activité de la Haute Cour pourrait symboliser un tournant. Encore faudra-t-il que les audiences à venir soient menées avec impartialité, sans excès ni instrumentalisation. Car si cette juridiction représente l’une des armes les plus puissantes de la Constitution, elle est aussi l’une des plus sensibles. Son retour en scène, après tant d’années de silence, pourrait marquer un avant et un après dans la vie politique sénégalaise. À condition qu’elle sache juger, et non diviser.

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