Alors que le président de la République invite les forces vives de la nation à une réflexion commune sur l’avenir du système politique sénégalais, un grand nom manque à l’appel : l’Alliance pour la République (APR). Après avoir occupé le devant de la scène politique pendant plus d’une décennie, le parti de l’ancien président Macky Sall choisit de ne pas prendre part à la rencontre nationale prévue pour débuter le 28 mai.
Sur le site dédié au dialogue (jubbanti.sec.gouv.sn), les citoyens sont eux aussi conviés à faire entendre leurs voix. L’initiative gouvernementale ne s’adresse donc pas qu’aux partis politiques, mais à l’ensemble des Sénégalais. Cette volonté d’ouverture rend d’autant plus visible l’absence d’un acteur aussi central que l’APR, dont la position reste pour l’instant peu explicitée. Pendant ce temps, d’autres forces politiques comme l’ARC d’Anta Babacar Ngom annoncent leur présence, tout en posant des conditions de fond. Les différents foyers religieux musulmans; l’Église, représentée par l’archevêque de Dakar, marquent également leur adhésion, saluant un espace de dialogue nécessaire.
Des enjeux techniques aux conséquences politiques
Le dialogue national ne se limite pas à une vitrine de concertation. Il aborde des questions précises, aux implications concrètes : comment garantir la transparence des élections, éviter les manipulations du fichier électoral, ou encore encadrer le parrainage ? Parmi les propositions à débattre figurent la reconnaissance formelle du chef de l’opposition, la mise en place d’un bulletin unique pour simplifier le vote, la numérisation du processus électoral et l’introduction du vote pour les personnes en détention. Des réformes profondes du système électoral sont envisagées, incluant une redéfinition du rôle des autorités électorales et des médias, ainsi qu’un réexamen de la place de la justice dans la régulation politique.
L’absence de l’APR soulève une question centrale : peut-on réformer durablement les règles du jeu démocratique sans impliquer ceux qui en ont été les garants pendant si longtemps ? Refuser de s’asseoir à la table de négociation, c’est aussi prendre le risque de se couper d’une dynamique nationale qui cherche à éviter les tensions futures. À l’heure où de nombreux citoyens réclament plus de clarté, de rigueur et de stabilité dans la gestion des scrutins, ce vide crée un déséquilibre difficile à ignorer.
Une occasion pour refonder la confiance ?
Ce dialogue national, voulu ouvert, pourrait marquer un tournant si les engagements qui en sortent ne restent pas lettre morte. Rationaliser le nombre de partis, mieux encadrer leur financement, clarifier les échéances électorales : autant de chantiers destinés à remettre de l’ordre dans un paysage parfois perçu comme opaque ou trop éclaté. La promesse d’une démocratie renforcée passe par des choix techniques, mais surtout par une volonté politique réelle de faire évoluer les institutions.
En refusant de participer, l’APR prend le pari de rester spectateur d’une refonte qui pourrait pourtant le concerner directement. Le risque est double : manquer l’opportunité de défendre ses positions dans une arène collective et laisser ses adversaires occuper seuls le terrain de la réforme. Au moment où la confiance des citoyens envers les acteurs politiques est fragile, chaque décision pèse lourd.
L’histoire retiendra peut-être cette séquence comme celle d’un moment charnière, où certains ont choisi le dialogue et d’autres le silence. Reste à voir si ce dernier sera interprété comme une stratégie de recul ou un refus de participer à l’écriture des nouvelles règles du jeu.
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