Sénégal : l’immigration clandestine stagne et se redessine

Une pirogue - Photo : Kulttuurinavigaattori (wikimedia.org)

En 2024, plus de 11 000 Sénégalais ont tenté de quitter le pays de manière irrégulière, selon les données relayées par des médias spécialisés. Derrière ce chiffre, souvent présenté sous un angle statistique, se cachent des trajectoires humaines complexes et un malaise socio-économique profond. Loin de se résorber, la pression migratoire change de visage. Les dispositifs de surveillance maritime, ont réussi à ralentir les départs depuis les côtes sénégalaises. Mais l’arrêt apparent des pirogues à Dakar ou à Mbour ne signifie pas la fin du phénomène : il migre, lui aussi, et trouve de nouvelles routes.

Un exode désormais orchestré depuis la Mauritanie

Face à la fermeture progressive des voies traditionnelles, les réseaux d’émigration clandestine ont déplacé leur logistique vers des points de passage moins surveillés. La Mauritanie est devenue, en 2024, la principale rampe de lancement vers les Canaries, avec près de 25 000 départs enregistrés. Ce chiffre, bien supérieur à celui des départs directement observés au Sénégal, traduit un basculement des circuits migratoires. Des groupes bien organisés facilitent le transit vers le nord, contournant les contrôles sénégalais en utilisant les failles de coordination régionale. C’est un jeu du chat et de la souris à l’échelle sahélienne, où les candidats au départ se muent en voyageurs transfrontaliers bien avant de toucher la mer.

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Des réseaux toujours actifs sur le territoire national

Malgré le déplacement du centre de gravité vers la Mauritanie, le Sénégal reste un terrain actif pour les filières. L’opération menée le 25 mai par la Brigade de Recherches de Keur Massar à Sendou en est une illustration frappante. Soixante-quinze candidats, déjà regroupés et prêts à embarquer, ont été interpellés. Trois organisateurs ont également été arrêtés. Ces arrestations montrent que les réseaux ne sont pas totalement démantelés, mais opèrent de manière plus discrète et mobile. Certains quartiers périphériques deviennent des zones de préparation clandestine, échappant parfois à la vigilance des forces de sécurité, dont les moyens sont limités face à la sophistication des filières.

Ce changement de stratégie migratoire interroge sur la manière dont les autorités peuvent répondre durablement à une demande sociale qui dépasse le cadre de la répression. Tant que les désillusions économiques resteront plus fortes que les promesses locales, les jeunes continueront à chercher l’ailleurs, même au prix de leur vie. Le calme apparent sur les plages sénégalaises pourrait alors masquer un tumulte déplacé, mais toujours bien réel.

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