Sénégal : Nestlé dans une tourmente fiscale de plus de 2000 milliards

Depuis plusieurs années, les relations entre l’administration fiscale sénégalaise et le géant agroalimentaire Nestlé se tendent. Tout commence par une série de redressements fiscaux échelonnés entre 2019 et 2021, chacun accompagné de pénalités substantielles. Trois titres de perception ont été notifiés à Nestlé Suisse : le premier, daté de juin 2021, exige près de 1,1 milliard FCFA ; les deux autres, émis en juin 2019, réclament respectivement 758 millions et 113 millions FCFA. À eux seuls, ces montants cumulés dépassent les 2 milliards de francs CFA. Nestlé conteste fermement ces redressements, estimant qu’ils ne reposent pas sur des fondements valides.

Mais l’affaire a récemment pris une tout autre ampleur. Un rapport d’expertise judiciaire est venu bouleverser les équilibres en révélant une évaluation fiscale bien plus lourde que celle initialement présentée. Selon ce document, la multinationale serait redevable de près de 2046 milliards FCFA, un chiffre vertigineux qui jette un froid sur les relations entre la firme et l’État du Sénégal. Cette évaluation, bien que contestée par l’entreprise, ouvre la voie à un contentieux de grande envergure et à des spéculations sur l’ampleur réelle de l’évitement fiscal reproché.

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Une affaire aux enjeux économiques et symboliques

Le différend dépasse les chiffres. Il soulève des questions fondamentales sur la fiscalité appliquée aux multinationales opérant en Afrique et sur les capacités des administrations locales à contrôler les flux financiers transfrontaliers. Pour le Sénégal, il s’agit de faire respecter la souveraineté fiscale face à une entreprise puissante, installée dans plusieurs pays et disposant d’une structure complexe. Pour Nestlé, c’est une bataille d’image autant que de chiffres : la société entend démontrer sa conformité aux règles en vigueur et protéger sa réputation dans une région qui représente un marché stratégique.

L’affaire fait écho à d’autres contentieux dans le monde, où de grandes firmes ont été accusées de pratiquer l’optimisation fiscale à travers des prix de transfert, des filiales relais ou des conventions internes avantageuses. Dans le cas de Nestlé, l’écart entre les montants initialement réclamés et ceux présentés par l’expertise judiciaire pose question. Cela revient à découvrir un iceberg dont seule la pointe avait été aperçue jusqu’ici. Cette divergence de chiffres pourrait remettre en cause l’évaluation des pratiques fiscales des groupes étrangers opérant dans la région.

Vers un bras de fer à multiples rebondissements

La suite de cette affaire pourrait redéfinir les règles du jeu entre les États africains et les grandes entreprises étrangères. Le Sénégal pourrait se retrouver dans une position délicate : tirer un trait sur le dossier équivaudrait à abandonner des sommes colossales, mais aller au bout de la procédure risquerait de perturber les relations commerciales et diplomatiques avec la maison mère suisse. À ce stade, ni l’administration ni Nestlé ne semblent vouloir céder. Tandis que les experts poursuivent leur travail, le contentieux s’enracine, suscitant une attention croissante de la part de l’opinion publique.

Au-delà du cas Nestlé, cette affaire agit comme un signal d’alerte pour toutes les multinationales opérant dans l’espace UEMOA. Elle montre que les règles fiscales peuvent évoluer, que les États cherchent à reprendre le contrôle de leur base imposable, et que le climat des affaires sera désormais influencé autant par les chiffres d’affaires que par les bilans fiscaux. Ce bras de fer illustre à quel point les enjeux de gouvernance financière sont devenus centraux dans les économies modernes, y compris en Afrique.

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