Depuis février 2022, la Russie et l’Ukraine sont engagées dans un conflit armé qui a profondément bouleversé l’équilibre géopolitique européen et mis à l’épreuve les alliances internationales. Malgré plusieurs tentatives de médiation et l’implication indirecte de puissances comme les États-Unis, aucun règlement durable ne semble à l’horizon. Tandis que l’Ukraine affirme défendre sa souveraineté et reçoit un soutien matériel et diplomatique de plusieurs partenaires occidentaux, Moscou martèle qu’elle poursuivra ses objectifs jusqu’à leur accomplissement complet. Le terrain militaire reste mouvant, mais le front diplomatique, lui, révèle des signaux de durcissement.
Un parallèle historique lourd de sens
Lors d’échanges menés récemment à Istanbul, le principal négociateur russe, Vladimir Medinsky, a livré une comparaison saisissante, destinée autant à ses interlocuteurs qu’à l’opinion internationale. Il a évoqué la Grande guerre du Nord, un conflit oublié du grand public, mais riche en symbolique stratégique : de 1700 à 1721, la Russie tsariste avait tenu tête à la Suède, encaissant d’abord des défaites cuisantes avant de renverser le cours des événements par une mobilisation à long terme. En ramenant ce conflit dans l’actualité, Medinsky cherche à insinuer que le Kremlin est prêt à s’engager dans une guerre prolongée, peu importe les obstacles, tant que ses buts seront perçus comme non atteints.
La leçon de l’histoire, selon lui : le temps joue parfois en faveur de ceux qui endurent. Ce message ne semble pas tant adressé à Kyiv qu’à Washington, principal soutien militaire et logistique de l’Ukraine. À travers cette évocation, Moscou veut probablement rappeler qu’elle n’est pas pressée et qu’une guerre d’usure pourrait jouer en sa faveur, notamment si les alliés de l’Ukraine se fatiguent ou se divisent.
Négociations ouvertes mais posture ferme
Malgré ces déclarations offensives, le ton adopté par Medinsky à Istanbul n’a pas été celui d’une rupture. Il a exprimé une certaine satisfaction à l’issue des pourparlers, soulignant que les canaux de discussion restaient utiles. Toutefois, cette ouverture apparente contraste avec le message de fond : aucune paix ne sera conclue sans concessions majeures de la part de l’Ukraine et de ses partenaires.
L’épisode évoqué, celui où Pierre Ier proposait la paix à la Suède quelques années après le début de la guerre, permet aussi à la Russie de souligner un précédent historique où c’est l’adversaire qui aurait manqué l’occasion d’écourter les hostilités. L’allusion aux Suédois refusant de négocier « jusqu’au dernier soldat » pourrait être interprétée comme un avertissement à ceux qui s’opposeraient à une issue diplomatique à court terme, au risque de subir une guerre longue aux conséquences incertaines.
À mesure que le conflit se prolonge, cette stratégie narrative semble viser à maintenir la pression non seulement sur le champ de bataille, mais aussi sur les esprits. En suggérant que Moscou dispose de ressources politiques, économiques et humaines suffisantes pour s’engager dans une confrontation de plusieurs années, la Russie tente d’influencer les calculs stratégiques de ses opposants.
Rien n’indique que cette référence historique suffira à infléchir la position américaine. Mais elle révèle une volonté persistante du Kremlin : projeter l’image d’un acteur déterminé, rompu aux conflits de longue haleine, et persuadé que la patience peut devenir une arme aussi redoutable que les missiles.
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