Au fil des quinze dernières années, le Maroc s’est imposé comme un acteur majeur de l’industrie automobile en Afrique et dans le bassin méditerranéen. Grâce à des politiques industrielles ciblées, des accords d’investissement favorables et la présence de constructeurs mondiaux, le royaume a structuré un écosystème puissant autour de la fabrication et de l’exportation de véhicules. Des centres industriels comme Tanger Med ou Kénitra se sont spécialisés dans l’assemblage à grande échelle, soutenus par un réseau de sous-traitants locaux en pleine expansion. Le secteur automobile, devenu un pilier des exportations marocaines, symbolise cette ambition de montée en gamme de l’économie nationale. Mais cette dynamique, jusque-là constante, semble connaître un coup d’arrêt en 2025.
Une chute marquée dans la construction automobile
Les données des premiers mois de l’année selon l’Office des changes du Maroc indiquent un repli inhabituel. Sur la période de janvier à avril 2025, les exportations totales du secteur automobile ont diminué de 7 %. Ce chiffre global masque cependant une baisse beaucoup plus brutale dans un segment clé : la construction de véhicules, dont les livraisons à l’étranger ont chuté de 22 % sur la même période. Cette contre-performance intervient après une décennie de croissance presque ininterrompue.
Pour mieux comprendre ce changement de cap, il suffit de regarder l’historique récent : en 2022, les exportations avaient bondi de 33 %, suivies d’une progression encore solide de 27,4 % en 2023. Même en 2024, malgré une légère décélération, le secteur affichait encore une hausse de 6,3 %. Le recul enregistré début 2025 marque donc un vrai tournant.
L’essor de la dernière décennie avait été impressionnant : en dix ans, la valeur totale des exportations automobiles a plus que triplé, passant d’un peu moins de 45 milliards de dirhams à près de 142 milliards en 2023. Le segment de la construction a connu une progression encore plus rapide, avec une multiplication par plus de trois, grimpant d’environ 19,7 à 67,6 milliards de dirhams sur la même période. C’est justement cette branche – habituellement la plus dynamique – qui accuse aujourd’hui le plus fort repli.
Ralentissement conjoncturel ou signal structurel ?
Interrogé sur cette évolution, le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a tenu à relativiser l’ampleur de la situation. Lors de la deuxième réunion trimestrielle du conseil de la banque centrale, tenue le 24 juin 2025, il a affirmé que les indicateurs industriels restent solides. Selon lui, les constructeurs présents au Maroc – notamment Renault et Stellantis – continuent d’exploiter leurs capacités de production à des niveaux parmi les plus élevés du secteur, entre 97 % et 98 %.
Cette utilisation intensive des lignes d’assemblage tend à montrer que la baisse des exportations ne résulte pas d’un affaiblissement de l’appareil productif. Elle pourrait plutôt être attribuée à une combinaison de facteurs : renouvellement plus lent des modèles, contraction de la demande sur certains marchés européens, effets logistiques ou ajustements stratégiques des constructeurs.
À plus long terme, ce ralentissement souligne l’importance pour le Maroc d’anticiper les transformations du secteur, en misant notamment sur les véhicules électriques, l’innovation technologique et la diversification des débouchés. Si les fondamentaux demeurent solides, cette phase d’inflexion pourrait servir de levier pour repositionner l’industrie vers plus de résilience et de valeur ajoutée.
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