Défense au Maghreb : une initiative aux implications diverses

Armée marocaine. Photo : DR

Alors que la rivalité militaire entre l’Algérie et le Maroc alimente depuis plusieurs années un climat de tension discret mais constant, le Maghreb assiste à un repositionnement progressif de ses priorités industrielles. Les dépenses militaires de l’Algérie, dopées par la manne énergétique, se sont traduites par des achats d’équipements lourds, principalement auprès de la Russie. De son côté, le Maroc a accentué sa coopération avec les États-Unis et Israël, avec une attention particulière portée à l’acquisition de technologies avancées et à la montée en compétence de ses industries locales.

Dans cette dynamique de renforcement capacitaire, le Maroc franchit un nouveau cap en lançant une Société de gestion des zones industrielles de défense, entité inédite née d’un partenariat à parts égales entre l’Agence des logements et équipements militaires (ALEM) et MEDZ, filiale de CDG Invest. Officiellement constituée par décret le 22 mai 2025, cette société anonyme dispose d’un capital initial de 300 000 dirhams. Son rôle est d’organiser, développer et gérer des zones industrielles exclusivement dédiées à la production d’équipements militaires, d’armements et de munitions.

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Une infrastructure pensée pour la spécialisation

L’accord fondateur repose sur deux réunions décisives : celle de l’ALEM tenue le 27 juin 2023 et celle de MEDZ le 7 avril 2025. Ces dates reflètent une coordination institutionnelle étalée dans le temps, signe d’un projet élaboré en cohérence avec les priorités étatiques. Le champ d’action de la nouvelle société va bien au-delà de l’aménagement du foncier : il comprend la conception technique des infrastructures, leur équipement en outils industriels adaptés, la commercialisation des sites auprès d’acteurs qualifiés et la gestion globale des zones.

Deux pôles industriels spécialisés devraient émerger de cette initiative, avec pour objectif de favoriser la relocalisation d’activités à haute valeur technique. Cette orientation vise non seulement à sécuriser les approvisionnements sensibles, mais aussi à constituer un tissu productif capable de soutenir les ambitions technologiques du pays dans le secteur de la défense. En favorisant un tel écosystème, le Maroc entend s’affranchir partiellement des dépendances extérieures qui limitent aujourd’hui ses marges de manœuvre.

Un cadre légal structurant pour une ambition souveraine

Le projet repose sur la loi 10.20, texte de référence qui encadre la fabrication, la détention et la circulation des armes, équipements et munitions sur le territoire marocain. Cette base juridique permet à l’État marocain d’assurer une supervision rigoureuse tout en donnant des garanties aux partenaires potentiels. À travers cette démarche, les autorités marocaines entendent structurer un secteur encore embryonnaire, mais stratégique, en misant sur une montée en gamme industrielle et des collaborations ciblées, y compris internationales.

Cette évolution répond à un besoin croissant d’autonomie industrielle, considérée comme une condition indispensable à la souveraineté opérationnelle. Elle traduit aussi une volonté de renforcer l’attractivité du pays pour les entreprises innovantes du secteur de la défense. À terme, ces zones pourraient servir de plateforme à des partenariats technologiques conditionnés à des transferts de compétences, dans un cadre strictement encadré par l’État marocain. Pour le Maroc, il s’agit là d’un pas calculé vers une défense intégrée, adossée à une économie industrielle modernisée.

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