Dakar, Abidjan, Paris ou Montréal : partout, les diasporas africaines participent activement à la vie économique et sociale de leurs pays d’origine. Leurs transferts d’argent rivalisent parfois avec l’aide publique au développement, mais leur impact ne se limite pas aux seuls flux financiers. Investissements dans l’immobilier, soutien aux familles, mécénat local, expertise technique ou engagement politique : ces communautés, souvent sous-estimées, sont devenues des actrices incontournables du changement. En Tunisie, cette réalité prend un visage concret et déterminé. Ces derniers mois, un groupe de Tunisiens installés en Suisse a posé un geste fort, bien au-delà du simple envoi de fonds, en contribuant à moderniser les transports publics de leur pays d’origine.
Des bus suisses pour revitaliser les services locaux
L’initiative, lancée dès 2023, a de quoi surprendre par sa portée et sa précision. Près de 200 bus d’occasion, encore pleinement opérationnels dans les villes helvétiques, ont été acquis grâce à l’engagement personnel de ressortissants tunisiens vivant en Suisse. Ces véhicules, loin d’être de simples dons symboliques, représentent une solution concrète pour améliorer le transport dans plusieurs régions tunisiennes. Derrière ce projet logistique ambitieux se trouvent des noms devenus familiers dans les cercles de la diaspora tunisienne comme Fadi Bettayeb, Lassâad Limam…Le président Kaïs Saïed les a récemment reçus à Carthage pour saluer leur contribution. Il a tenu à souligner non seulement l’utilité de ces bus, mais aussi la persévérance nécessaire pour obtenir les pièces détachées et maintenir les véhicules en parfait état.
Ce geste est le fruit d’une volonté collective qui dépasse l’altruisme ponctuel. Il reflète une vision de développement fondée sur la coopération entre citoyens établis à l’étranger et les institutions nationales. Là où l’État connaît des difficultés logistiques ou financières, la diaspora vient combler des manques, avec une efficacité qui bouscule parfois les circuits administratifs traditionnels.
Lever les obstacles à une contribution fluide
Mais cette mobilisation exemplaire révèle aussi les nombreux défis que rencontrent les Tunisiens de l’extérieur lorsqu’ils tentent de s’investir davantage dans leur pays d’origine. Le président Saïed a reconnu l’existence de lourdeurs administratives qui freinent les élans de la diaspora. Démarches compliquées, règles floues, lenteurs institutionnelles : autant d’obstacles qui, s’ils ne sont pas levés, risquent de décourager l’engagement sur le long terme. Il a appelé à une simplification rapide des procédures pour permettre à ces partenaires de contribuer pleinement au développement de la Tunisie.
Le cas de ces bus n’est donc pas isolé. Il symbolise un potentiel plus vaste, aujourd’hui sous-exploité. De nombreux Tunisiens de l’étranger disposent de compétences techniques, de réseaux d’affaires et d’expériences acquises dans des environnements très compétitifs. Ce sont autant d’atouts pour une Tunisie qui cherche à relancer ses infrastructures et moderniser ses services publics. Encore faut-il que les cadres institutionnels accompagnent, et non entravent, cette volonté de servir.
Une dynamique à encourager
La contribution de la diaspora tunisienne installée en Suisse est un signal fort. Elle montre qu’un engagement ciblé, porté par des personnes déterminées, peut entraîner des résultats visibles et utiles à court terme. Mais elle met aussi en lumière une réalité plus large : les diasporas ne demandent pas la charité ni la reconnaissance passive. Elles souhaitent être considérées comme des partenaires de développement à part entière, avec les moyens d’agir efficacement.
Face aux urgences économiques et sociales, miser sur ces relais extérieurs n’est pas une option secondaire. C’est une voie d’action stratégique. La Tunisie, comme d’autres pays du Maghreb, gagnerait à multiplier les passerelles entre ses enfants d’ici et ceux d’ailleurs. Car lorsque ceux-ci se mobilisent, les résultats parlent d’eux-mêmes.
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