Le continent africain est confronté depuis des décennies à une perte régulière de ses forces vives. Dans presque tous les secteurs, des profils qualifiés quittent leur pays d’origine à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail. Cette dynamique, bien connue sous le nom de « fuite des cerveaux », touche de plein fouet le domaine de la santé. Alors que de nombreux pays africains peinent déjà à répondre aux besoins élémentaires de leurs populations, l’exode du personnel médical vient aggraver un déséquilibre systémique. Cette réalité se vérifie avec acuité au Maghreb, notamment au Maroc, où l’hémorragie de médecins formés localement atteint un seuil critique.
Une pénurie persistante de praticiens
Le Maroc est aujourd’hui confronté à une crise sanitaire alimentée par une pénurie persistante de professionnels de santé. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il atteint désormais des proportions alarmantes. Selon le professeur Youssef El Fakir, de la faculté de médecine, le pays ne compte actuellement qu’environ 30 000 médecins pour une population de 36 millions d’habitants. Ce qui représente un ratio de 7,5 médecins pour 10 000 personnes – un chiffre largement en deçà de la norme minimale de 25 pour 10 000 habitants recommandée par l’Organisation mondiale de la santé.
Ce déficit ne découle pas uniquement de faibles capacités de formation. Il s’explique surtout par le fait que nombre de praticiens choisissent d’exercer hors du pays. Chaque année, près de 600 médecins marocains s’expatrient, avec une majorité – près de 90 % – s’installant en Allemagne, d’après les données présentées lors d’une séance parlementaire sur la migration des soignants, à l’initiative du groupe istiqlalien à la Chambre des conseillers.
Un manque qui se fait sentir dans les hôpitaux
Ce phénomène prend une ampleur préoccupante. À lui seul, le territoire français accueille environ 15 000 médecins marocains. Plus étonnant encore, sur ce total, 7 000 n’étaient pas nés au Maroc, mais y ont été formés. Ce constat souligne l’attractivité des carrières médicales à l’étranger, comparées aux opportunités locales jugées insuffisantes.
La conséquence directe de cette hémorragie est visible dans les établissements de santé marocains, où les équipes sont réduites, les délais de soins s’allongent, et les conditions de travail deviennent de plus en plus éprouvantes pour les médecins restés sur place. Il ne s’agit plus seulement d’un déséquilibre numérique, mais d’une véritable menace pour la continuité et la qualité des soins.
Une impasse qui fragilise l’avenir
La pression sur le système national de santé s’intensifie, au moment où les ressources humaines sont déjà limitées. Tandis que les hôpitaux européens bénéficient de ces compétences exportées, les structures marocaines doivent composer avec des équipes réduites, souvent débordées.
Bien que cette réalité soit désormais portée au débat institutionnel, les mécanismes concrets pour inverser cette tendance restent flous. En l’absence de perspectives solides et durables, le risque est grand de voir le déficit s’aggraver au fil des ans, fragilisant davantage un système de santé déjà sous tension.


