Rivalités au Maghreb : quand la nourriture s’y mêle

Depuis des décennies, les relations entre l’Algérie et le Maroc sont marquées par une tension constante, faite de méfiance, d’accusations réciproques et d’un affrontement latent sur de multiples fronts : frontières fermées, opposition sur la question du Sahara occidental, rivalités diplomatiques sur la scène africaine et internationale. À ces contentieux bien connus s’ajoute désormais une bataille inattendue mais révélatrice : celle de l’appropriation culturelle. Le dernier épisode de cette querelle oppose les deux pays autour d’un plat emblématique du Maghreb : le couscous.

Le couscous au cœur d’une guerre symbolique

Le couscous, présent sur les tables marocaines, algériennes, tunisiennes et libyennes depuis des siècles, est soudainement devenu l’objet d’une bataille d’influence. À Alger, les autorités accusent Rabat de tenter de s’approprier ce mets ancestral en le présentant comme une création purement marocaine. Devant le Conseil de la Nation ce 12 juin, le ministre algérien de la Communication, Mohamed Meziane, a dénoncé une « campagne de spoliation systémique » conduite par le Maroc, selon lui déterminé à s’attaquer aux fondements identitaires de l’Algérie.

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Il évoque une volonté marocaine de gommer les racines profondes du patrimoine algérien pour imposer un récit alternatif. Le couscous devient alors un symbole de cette lutte : un plat familial transformé en enjeu diplomatique. Meziane souligne que les plus anciens historiens situent l’origine du couscous en Algérie, et que les ustensiles traditionnels utilisés pour sa préparation y ont été retrouvés. Dans cette optique, revendiquer le couscous revient à défendre une mémoire, une histoire, une appartenance.

Le patrimoine comme territoire à défendre

Face à ce qu’il considère comme une tentative d’effacement culturel, l’État algérien brandit la riposte identitaire. Pour Mohamed Meziane, protéger le patrimoine national, c’est protéger l’unité de la nation. Il appelle à une vigilance de tous les instants et à une mobilisation générale — des institutions aux médias, en passant par la population — pour contrecarrer ce qu’il qualifie de dérive marocaine. Il se félicite d’ailleurs de la résistance populaire, soulignant que le patriotisme des Algériens reste un rempart contre la récupération.

L’Algérie revendique officiellement l’enregistrement de neuf éléments de son patrimoine immatériel, parmi lesquels des traditions culinaires et artisanales, comme autant de jalons dans une guerre d’image. Ainsi, chaque symbole, chaque pratique devient une pièce stratégique sur l’échiquier identitaire. Ce n’est plus seulement une question de fierté culturelle : c’est un enjeu de souveraineté.

Un conflit culturel aux multiples ramifications

La querelle autour du couscous n’est pas un cas isolé. Elle révèle une série de tensions récurrentes entre Alger et Rabat autour de la musique, des tenues traditionnelles, ou même des danses populaires. Ces éléments culturels, autrefois partagés sans retenue dans l’espace maghrébin, deviennent aujourd’hui des objets de revendications exclusives. À défaut de dialogue politique, la confrontation se déplace sur le terrain symbolique, chaque camp cherchant à imposer sa version de l’histoire.

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La politisation du patrimoine révèle un malaise plus profond : l’impossibilité pour ces deux grandes nations maghrébines de construire un récit commun. Alors que l’UNESCO avait reconnu en 2020 le couscous comme patrimoine culturel partagé par plusieurs pays d’Afrique du Nord, cette reconnaissance collective semble aujourd’hui insuffisante à apaiser les rivalités.

La gastronomie se retrouve aujourd’hui prise dans une lutte ouverte. Le couscous, autrefois symbole de partage et de traditions communes, est devenu le terrain d’un affrontement entre deux voisins souvent en opposition, même sur ce qui aurait pu les unir. Cette rivalité autour d’un plat illustre combien les relations maghrébines restent marquées par la compétition, où jusqu’aux éléments les plus simples du quotidien peuvent servir d’armes politiques ou identitaires.

Une réponse

  1. Avatar de Pathétiques
    Pathétiques

    Tous ces c0nn@rds qui pédalent dans la semoule et qui se battent pour un plat du jour !

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