Chaque année, certaines dates ne s’effacent pas du calendrier national, non parce qu’elles sont décrétées jours fériés, mais parce qu’elles résonnent comme des cicatrices. Le 1er juin 2023 fait partie de celles-là. Ce jour-là, le Sénégal a basculé dans une onde de choc, marquée par des affrontements violents, des cris de colère, des larmes, et surtout, des vies perdues. Une tragédie collective déclenchée par la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko, qui a embrasé les rues et bouleversé des familles à jamais.
Un point de rupture pour toute une génération
Les images du 1er juin sont encore vives dans les mémoires. Des foules massées dans les rues, une colère explosive, une répression féroce. Au moins 15 personnes ont perdu la vie ce jour-là, selon les chiffres officiels. Ces morts sont venus allonger une liste déjà trop longue. En mars 2025, le collectif CartograFree Sénégal publiait un rapport glaçant : 65 décès liés aux répressions politiques entre mars 2021 et février 2024, la majorité étant des jeunes de moins de 30 ans. Une génération brisée sous les coups de la violence d’État, alors même qu’elle réclamait sa place dans l’espace public.
Le 1er juin 2023 ne peut être compris sans replacer ces morts dans la chronologie des tensions politiques récurrentes. Ce jour n’a pas seulement été une flambée ponctuelle. Il a révélé un profond malaise : une rupture de confiance entre une jeunesse engagée et des institutions jugées sourdes à ses aspirations. Chaque nom tombé ce jour-là est devenu le symbole d’une contestation qui voulait être entendue, pas écrasée.
Entre cicatrices et vigilance
Aujourd’hui l’émotion s’accompagne d’une lucidité nouvelle. Les évènements de 2023 ont réveillé une conscience politique élargie, notamment chez les jeunes. Les questions fusent : comment prévenir de telles dérives ? Comment garantir que l’expression d’un désaccord ne se solde plus par des morts ? Comment construire un État où la vie humaine pèse plus que les enjeux de pouvoir ?
Dans les quartiers, sur les réseaux sociaux, le souvenir du 1er juin sert désormais de repère. Non pas pour cultiver la peur, mais pour exiger autre chose. Un pays où contester ne signifie pas risquer sa vie. Un pays où la mémoire des victimes forge les choix de demain. Si le 1er juin 2023 a été un cri, les années suivantes doivent être une réponse. Une réponse politique, éthique, citoyenne. Car aucune démocratie ne peut tenir si elle accepte de piétiner ses morts pour faire taire ses vivants.
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