La tension entre Woodside Energy et les autorités sénégalaises a désormais franchi les frontières judiciaires locales. Le 30 mai 2025, l’entreprise australienne a porté plainte contre l’État du Sénégal auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un organe lié à la Banque mondiale. Ce recours survient après plusieurs mois de bras de fer fiscal. En août 2024, l’administration sénégalaise avait imposé à Woodside un redressement fiscal de 41 milliards de francs CFA. L’entreprise avait contesté la décision devant le tribunal de grande instance de Dakar, mais cette tentative n’a pas permis d’éviter des mesures de recouvrement musclées, dont la saisie de ses comptes bancaires au Sénégal. Le choix du CIRDI marque une escalade : il ne s’agit plus seulement d’un litige fiscal, mais d’un conflit sur la protection des investissements dans un secteur stratégique.
Le pétrole, l’impôt et la souveraineté économique
Ce dossier intervient alors que le gouvernement dirigé par Bassirou Diomaye Faye affiche clairement son ambition de rééquilibrer les contrats miniers et pétroliers signés par ses prédécesseurs. L’idée centrale : faire en sorte que l’exploitation des ressources naturelles bénéficie davantage à la population sénégalaise. Cette posture a été réaffirmée à plusieurs reprises par le nouveau pouvoir, qui a fait de la transparence et de la justice économique des priorités. Le contentieux avec Woodside révèle ainsi une tension latente entre les droits des investisseurs internationaux et la volonté des États de préserver leur marge de manœuvre fiscale. En prenant pour cible une grande entreprise étrangère active dans l’exploitation offshore, le fisc sénégalais semble vouloir poser des jalons clairs pour la nouvelle ère économique annoncée par le régime.
Un duel à forts enjeux symboliques et économiques
La plainte déposée devant le CIRDI ouvre un nouveau chapitre aux implications multiples. D’un côté, elle risque d’éroder la confiance d’autres investisseurs étrangers si elle est perçue comme un signe d’instabilité. De l’autre, elle pourrait aussi être perçue par certains comme un test de la capacité du Sénégal à faire valoir ses droits dans l’arène juridique internationale. Cette affaire interroge non seulement la solidité des cadres contractuels signés entre États et multinationales, mais aussi la façon dont les pays producteurs peuvent, ou non, ajuster les termes en fonction de leurs objectifs de développement. Le litige Woodside-Sénégal dépasse donc le simple différend fiscal. Il met en jeu des notions fondamentales de justice économique, de souveraineté fiscale et de respect des engagements. Les prochains mois diront si la voie judiciaire aboutira à un compromis, ou si ce conflit symbolisera durablement les frictions entre les ambitions africaines et les exigences du capital international.
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