Sénégal : L'attente d'une décision clé pour la ministre Sophie Gladima

Ce qui avait commencé comme une série de convocations discrètes s’est transformé en affaire d’État. Depuis plusieurs semaines, la justice sénégalaise s’intéresse de près à la gestion des fonds publics alloués pendant la pandémie de Covid-19. Plusieurs anciens ministres sont dans le viseur. Moustapha Diop et Mansour Faye ont été placés en garde à vue. Ndeye Saly Diop Dieng et Ismaïla Madior Fall, quant à eux, sont soumis à un contrôle judiciaire strict. Mais c’est l’ex-ministre des Mines et de la Géologie, Aïssatou Sophie Gladima, qui cristallise aujourd’hui l’attention, après avoir été incarcérée le 21 mai.

Une défense ferme malgré des accusations lourdes

Inculpée pour des faits de détournement de fonds publics, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs, l’ancienne ministre est accusée d’un préjudice estimé à plus de 193 millions de francs CFA. Les faits reprochés remonteraient à sa période d’exercice au sein du gouvernement, notamment lors des programmes d’urgence déployés en réponse à la crise sanitaire mondiale. Lors de son audition par les magistrats instructeurs de la Haute Cour de justice, elle a affirmé n’avoir commis aucune infraction. Ses avocats ont fait valoir que toutes ses décisions relevaient de procédures régulières et de cadres validés en Conseil des ministres.

Pourtant, les soupçons persistent et l’affaire gagne en épaisseur. Le placement sous mandat de dépôt n’est pas anodin. Il traduit la volonté de la juridiction spéciale d’approfondir les investigations sans risque d’entrave. La chambre d’instruction devra se prononcer dans les prochains jours sur la recevabilité d’éventuelles demandes de mise en liberté, mais les premières lignes du dossier laissent entrevoir une procédure qui pourrait s’inscrire dans la durée.

Une série noire pour l’ancien exécutif

Sophie Gladima n’est pas un cas isolé. Son nom figure parmi une liste d’anciens membres du gouvernement confrontés à des poursuites judiciaires. Moustapha Diop, ex-ministre du Développement industriel, et Mansour Faye, ex-ministre de l’Hydraulique et frère de l’ancien président Macky Sall, sont également dans le viseur pour leur rôle dans la gestion de marchés publics liés au matériel sanitaire et aux transferts sociaux. Les montants en jeu, l’opacité présumée de certains contrats et la complexité des circuits financiers utilisés sont autant d’éléments qui ont motivé l’ouverture d’une vaste enquête.

Le climat politique s’en ressent. La promesse de rupture portée par le nouveau pouvoir se matérialise à travers une volonté d’assainissement affichée. Pour de nombreux citoyens, ces poursuites incarnent une forme de réparation attendue. Pour d’autres, elles risquent d’être perçues comme une lecture sélective des responsabilités, d’autant que certains proches du pouvoir actuel sont eux-mêmes issus des rangs de l’administration précédente.

Un test pour l’indépendance judiciaire

Au-delà des enjeux individuels, cette affaire met à l’épreuve la capacité des institutions judiciaires à traiter équitablement les dossiers sensibles. Le traitement du dossier Gladima sera scruté jusque dans ses détails. Sera-t-elle jugée sur la base d’éléments concrets et vérifiables, ou deviendra-t-elle le symbole d’un procès politique maquillé en justice ? C’est là toute la complexité d’un dossier qui mêle argent public, gestion de crise et rivalités partisanes.

Ce moment charnière pourrait devenir un tournant dans la manière dont le Sénégal articule son besoin de justice avec les garanties d’équité et de transparence. La suite de la procédure dira si le pays avance vers une justice impartiale ou si les vieilles pratiques de ciblage politique reprennent le dessus sous un nouveau vernis. Ce qui est certain, c’est que les Sénégalais attendent des réponses, pas seulement des arrestations.

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