Alors que la dette publique atteint désormais l’équivalent du produit intérieur brut, le Sénégal est engagé dans une course contre la montre pour trouver des solutions de financement alternatives. Le gel des appuis du Fonds monétaire international, consécutif à la révélation d’emprunts dissimulés et à des irrégularités budgétaires, a fragilisé la trajectoire économique du pays. Dans ce climat tendu, chaque opportunité de diversification des partenaires financiers devient cruciale. C’est dans ce contexte que s’inscrit la participation du Sénégal aux réunions de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), un organisme basé à Pékin et qui fête cette année ses dix ans d’existence.
Le Premier ministre Ousmane Sonko, en visite officielle en Chine, a pris part aux travaux de l’institution aux côtés d’autres gouverneurs. Le Sénégal y figure désormais comme pays prospectif, en attente de finalisation de son adhésion. À travers cette démarche, le pays pourrait accéder, à terme, à des ressources financières importantes pour soutenir ses grands projets, notamment dans les secteurs du transport, de l’énergie ou de la digitalisation des infrastructures publiques.
L’AIIB, un levier pour relancer les projets suspendus
Créée en 2016 avec l’ambition de concurrencer les bailleurs traditionnels, l’AIIB a déjà financé plusieurs projets sur le continent asiatique, et de plus en plus dans les pays dits non-régionaux. L’entrée prochaine du Sénégal dans cette banque pourrait marquer un tournant décisif, à condition que les mécanismes d’adhésion soient rapidement complétés et que les projets proposés respectent les critères stricts d’éligibilité.
Pour Dakar, cela représente bien plus qu’un symbole : c’est une manière de contourner l’impasse actuelle provoquée par la suspension des lignes de crédit du FMI et d’autres bailleurs classiques. Des chantiers mis en veille ou ralentis, faute de liquidités, pourraient ainsi être remis en marche si des financements nouveaux sont obtenus. La Banque asiatique pourrait devenir, à moyen terme, un pilier de la relance nationale, notamment dans les zones rurales où les besoins en infrastructures de base restent considérables.
Une diplomatie économique assumée
Ce rapprochement avec l’AIIB s’inscrit dans une démarche diplomatique volontariste portée par Ousmane Sonko. À travers cette tournée en Chine, le Premier ministre cherche à repositionner le Sénégal comme un partenaire crédible et ambitieux sur l’échiquier international, malgré les défis intérieurs. Ce pragmatisme économique, doublé d’une volonté d’indépendance vis-à-vis des canaux financiers traditionnels, témoigne d’un changement de cap assumé.
Toutefois, l’adhésion à des institutions alternatives ne suffira pas à elle seule à restaurer la confiance. Pour que ces nouveaux partenariats portent pleinement leurs fruits, il faudra également assurer une meilleure transparence dans la gestion des ressources et éviter les écueils du passé. Le défi pour le Sénégal ne se limite donc pas à la signature de nouveaux accords, mais à la démonstration concrète d’une gouvernance capable d’honorer ses engagements et de transformer l’aide en résultats tangibles pour sa population.
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