L’affaire aurait pu rester étouffée. En mai dernier, Amadou Tom Mbodj, agent municipal et membre du mouvement citoyen Frapp-Pastef, alerte sur des irrégularités comptables au sein de la mairie de Ziguinchor. Loin d’être accueilli comme un partenaire dans la transparence, il est aussitôt accusé de malveillance et mis à l’écart. Pourtant, deux mois plus tard, son signalement s’avère fondé : la gendarmerie et l’OFNAC, saisis, confirment l’existence d’un important détournement de fonds, estimé entre 27 et 33 millions de francs CFA. Le régisseur municipal, Yaya Mansaly, en poste depuis 2018, a été placé en garde à vue, marquant le premier tournant judiciaire de ce scandale.
Alors que les accusations visaient au départ à disqualifier la parole de Mbodj, les faits viennent le réhabiliter pleinement. Ce dernier réclame aujourd’hui la reconnaissance de sa démarche, fondée sur un souci de probité et de bonne gouvernance locale. L’écho de sa prise de parole pourrait bien encourager d’autres agents à rompre le silence dans les collectivités locales où la gestion financière reste souvent opaque.
Une mairie sous pression, un maire sur la défensive
Dans la foulée de l’enquête, plusieurs auditions ont été menées, dont celle du maire actuel de Ziguinchor, Djibril Sonko. Ce dernier, successeur d’Ousmane Sonko à la tête de la municipalité, a dénoncé la manière dont son passage devant les enquêteurs a été présenté dans la presse. Se disant disposé à collaborer avec les autorités, il a tenu à clarifier qu’il ne figurait ni comme suspect ni comme complice, mais avait été entendu au titre de sa fonction actuelle, afin de fournir des éléments de contexte sur la gestion antérieure et actuelle de la comptabilité municipale.
Malgré ces clarifications, l’ambiance au sein de la mairie reste tendue. L’opinion publique locale, alertée par le retentissement de l’affaire, s’interroge sur la chaîne de responsabilité et sur la possibilité que d’autres complicités aient permis à ce détournement de prospérer. Le fait que le régisseur soit en poste depuis plusieurs années sans audit approfondi laisse planer des doutes sur les mécanismes de contrôle interne.
Vers une responsabilisation accrue dans la gestion communale ?
Au-delà de la personnalité des mis en cause, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la transparence dans la gestion des collectivités territoriales. Comment un agent peut-il détourner plusieurs dizaines de millions de francs CFA sans déclencher d’alerte en amont ? Pourquoi un lanceur d’alerte est-il d’abord sanctionné avant d’être entendu ? Ces interrogations appellent des réformes urgentes, à commencer par l’instauration de mécanismes de vérification financière régulière et la protection effective des agents qui dénoncent des faits de corruption.
Les prochaines étapes de l’enquête pourraient révéler d’autres défaillances. Si le cas de Ziguinchor attire autant l’attention, c’est parce qu’il met en lumière la difficulté pour certaines communes à instaurer une gouvernance rigoureuse. Le symbole est fort : dans une ville où l’opposition a longtemps vanté l’exemplarité de sa gestion, une affaire aussi grave rappelle que la vigilance doit être permanente, quel que soit le bord politique.
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