Sénégal : Tensions à Joal, le nouveau quai de pêche vandalisé

À peine un mois après la pose de la première pierre du futur quai de pêche de Joal-Fadiouth, un incident grave a mis à mal l’un des projets les plus ambitieux du littoral sénégalais. Le chantier, financé à hauteur de 4 milliards FCFA par un don japonais, a été vandalisé jeudi 26 juin par un groupe d’individus encore non identifiés. Selon les premières informations recueillies sur place, l’attaque aurait été déclenchée après qu’une équipe de contrôle a intercepté une pirogue transportant une cargaison de poissons juvéniles, en infraction manifeste avec les règles de pêche durable. La réaction ne s’est pas fait attendre : saccage des installations, menaces proférées à l’encontre des agents et sabotage du chantier en cours.

Ce quai ultramoderne devait marquer une étape décisive dans la modernisation des infrastructures halieutiques du pays. Doté de zones de traitement, d’aires de conditionnement, de dispositifs sanitaires et de systèmes d’eau et d’assainissement, il devait répondre aux standards internationaux, tout en valorisant les produits de la pêche artisanale. Mais ce coup d’arrêt brutal jette une ombre sur la volonté des autorités d’opérer une transformation en profondeur du secteur.

Le ministère réagit fermement

Face à cette attaque ciblée, le ministère des Pêches et des Infrastructures maritimes n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué ferme, il a dénoncé des actes de vandalisme « injustifiables » et souligné le caractère symbolique et stratégique de l’infrastructure détruite. Les autorités rappellent que les opérations de contrôle menées par les agents de terrain visent à protéger les ressources halieutiques, en interdisant notamment la pêche des juvéniles, essentielle pour garantir le renouvellement des stocks et la pérennité des revenus des pêcheurs eux-mêmes.

Le ministère a également rappelé que les investissements consentis à Joal s’inscrivent dans une logique d’équité territoriale et de développement local, en particulier pour les zones côtières fortement dépendantes de la pêche artisanale. Il a assuré que l’État ne céderait pas aux intimidations et que les auteurs de ces actes seraient identifiés et poursuivis. Une enquête a été ouverte pour déterminer les responsabilités et les mobiles précis de cette attaque.

Un secteur en mutation sous tension

Cet épisode violent met en lumière les tensions qui accompagnent la transition vers une gestion plus durable et plus structurée de la pêche au Sénégal. Alors que l’État engage des réformes profondes pour mieux encadrer l’activité, améliorer les conditions de travail des pêcheurs et garantir une meilleure traçabilité des produits, certains acteurs semblent résister à cette nouvelle donne. Le refus de certains contrôles, la contrebande de produits halieutiques et la surexploitation des ressources posent un réel défi à la mise en œuvre des politiques publiques.

À Joal, où le port reste l’un des plus dynamiques du pays, l’ambition de transformer la ville en pôle de référence pour l’exportation des produits de la mer est aujourd’hui mise à l’épreuve. La remise en état du chantier et la sécurisation du site seront désormais des priorités pour le ministère, tout comme la sensibilisation des communautés locales aux enjeux de préservation des ressources et de valorisation des produits.

L’attaque du quai de Joal rappelle que toute réforme structurelle impose un accompagnement humain, social et économique. Car moderniser le secteur ne se fera pas uniquement avec du béton et des équipements, mais aussi avec la confiance, la pédagogie et la responsabilisation de tous les acteurs.

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