Sénégal: Thiaroye, les premières preuves d’une répression coordonnée

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Le 28 novembre 2024, à l’aube du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, le président Emmanuel Macron a reconnu pour la première fois les exactions du 1er décembre 1944 comme un véritable massacre. Dans une lettre solennelle adressée à son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye, il a ouvert la voie à une nouvelle étape historique, loin des silences et des versions édulcorées. Cette reconnaissance politique a agi comme un catalyseur : trois mois plus tard, le gouvernement sénégalais a lancé des fouilles sur le site de Thiaroye, espérant lever définitivement le voile sur l’une des pages les plus opaques de la mémoire franco-africaine.

Des munitions de plusieurs calibres, un chaos organisé

Les premiers résultats des fouilles menées depuis février 2025 bouleversent les certitudes officielles. Les enquêteurs ont mis au jour des balles de calibres variés, preuve tangible que plusieurs types d’armes ont été utilisés au moment de la fusillade selon AFP. Ce détail, qui pourrait paraître technique, raconte pourtant un tout autre scénario : celui d’une opération armée complexe et coordonnée, loin d’un débordement isolé. Des analyses balistiques approfondies sont en cours pour identifier les armes spécifiques impliquées, tandis que des tests ADN sont prévus afin de nommer enfin les victimes. Officiellement, la France avait reconnu 35 morts. Mais des historiens, s’appuyant sur des témoignages et des archives non exploitées, estiment que le nombre réel pourrait approcher les 400. Ce gouffre numérique dit l’ampleur du mensonge, mais surtout celle de l’oubli organisé.

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Un combat mémoriel au carrefour de la science et de la justice

L’enjeu dépasse désormais la simple restitution historique. Il s’agit aussi d’établir les responsabilités, nommer les disparus, et restituer une dignité volée. Ces démarches scientifiques pourraient bien servir de fondement à des actions judiciaires ou diplomatiques futures. À Thiaroye, chaque balle retrouvée est un témoin, chaque ossement une preuve. La vérité ne repose plus sur des discours, mais sur des faits matériels. Ce chantier de mémoire, mené par les autorités sénégalaises, témoigne d’un engagement inédit à réconcilier passé et vérité sans filtre ni arrangement.

L’affaire Thiaroye n’est plus une affaire d’historiens. Elle devient, sous nos yeux, un cas d’école en matière de mémoire coloniale, de réparation, et d’indépendance narrative. La terre retourne les morts, mais elle réveille aussi les consciences.

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