Sénégal : "Weundelou Weundelou", TikTok rend viral un refrain 30 ans plus tard

Au détour des scrolls quotidiens sur TikTok, une boucle sonore rythme depuis quelques semaines les pas de danse, les saynètes humoristiques et les capsules chantées : Weundelou, taxawalou, tambarmalou. Derrière ces mots simples scandés en wolof, une chanson de 1991 refait surface. Interprétée par Kiné Lam, icône du mbalax, Weundélou était initialement un morceau de sensibilisation au VIH. Le refrain évoque les risques d’une vie d’errance sexuelle — « tourner, vadrouiller, errer » — et s’adressait à une jeunesse alors confrontée à une épidémie mondiale silencieuse.

Trente ans plus tard, le message est réapproprié avec légèreté, parfois même humour, sans toujours conscience de sa profondeur initiale. Des milliers d’utilisateurs sénégalais, se réapproprient ce refrain, le remodèlent, le réinterprètent en remix électro, en chorégraphies spontanées ou en slogans détournés. TikTok, Instagram, Facebook Reels : le morceau connaît une deuxième vie numérique, inattendue et fulgurante.

Kiné Lam, mémoire vivante du mbalax féminin

Si Kiné Lam n’est plus au sommet des charts, son empreinte artistique demeure. Voix puissante, gestuelle maîtrisée, textes enracinés dans la tradition : elle a incarné l’élégance et la rigueur musicale d’une époque. Aux côtés de figures comme Youssou Ndour ou Thione Seck, elle a contribué à structurer l’identité musicale du Sénégal moderne. Le retour viral de Weundélou n’est donc pas un simple effet de mode : c’est aussi un rappel de la richesse du patrimoine musical sénégalais, transmis de génération en génération, mais aujourd’hui remixé à coups de filtres, de likes et de hashtags.

Cette tendance ne touche d’ailleurs pas que le Sénégal. Du côté de l’Éthiopie ou de l’Ouganda, de vieux enregistrements refont surface dans les playlists virales. Les chansons de l’ère pré-digitale se muent en supports d’expression contemporaine, où l’identité culturelle est revisitée avec créativité.

Le numérique, moteur de résurrection culturelle

Ce phénomène viral pose une question essentielle : que devient une chanson quand elle sort de son époque d’origine ? Dans le cas de Weundélou, elle passe d’un outil de prévention sanitaire à un symbole de dérision joyeuse, parfois même à contresens de son message initial. Mais elle démontre aussi la capacité des réseaux à redonner vie à des œuvres anciennes, à leur offrir une nouvelle portée, souvent bien plus large que lors de leur sortie.

Cette relecture contemporaine peut choquer ou séduire, mais elle témoigne avant tout d’une circulation libre et vivante de la culture. Entre hommage inconscient et remix générationnel, Weundélou illustre comment les dynamiques du numérique redéfinissent les classiques. Et Kiné Lam, par la voix de la jeunesse connectée, retrouve une scène inattendue, loin des plateaux de la RTS ou des concerts de Sorano : celle d’un écran vertical, tenu d’une seule main, où se joue désormais une partie de l’héritage musical africain.

Laisser un commentaire