Aliko Dangote, figure incontournable de l’industrie sur le continent, multiplie les appels à une nouvelle manière de penser l’Afrique. Connu pour avoir bâti un empire industriel sans céder aux sirènes des géants technologiques, le milliardaire nigérian insiste aujourd’hui sur une ambition partagée : transformer le continent en un espace prospère, productif et autonome en moins d’une décennie. Une utopie pour certains, une feuille de route pour d’autres, portée par une voix qui a fait le choix de l’investissement local contre la spéculation mondiale.
Penser grand, agir local
À l’occasion d’une rencontre de haut niveau à Nassau avec des dirigeants de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), Dangote a exhorté les décideurs et les entrepreneurs africains à revoir leurs priorités. Selon lui, les ressources ne manquent pas. Ce qui fait défaut, c’est la volonté collective de miser sur le long terme, au-delà des profits individuels.
Sa prise de parole a mis l’accent sur un changement d’état d’esprit. Pour Dangote, les élites économiques africaines doivent cesser de courir après des partenariats extérieurs mal équilibrés, et s’engager plutôt dans des projets structurants capables de transformer en profondeur les chaînes de valeur. Il appelle à un continent où la richesse ne serait plus importée mais créée et redistribuée à partir d’initiatives locales.
Un choix industriel assumé
Ce positionnement n’est pas théorique. Au lieu d’investir dans les géants du numérique mondial, Dangote a mobilisé une fortune colossale dans des infrastructures stratégiques comme la raffinerie de Lagos, aujourd’hui considérée comme la plus grande raffinerie de pétrole à train unique au monde. D’un coût de 20 milliards de dollars, cette installation marque un tournant dans l’approvisionnement énergétique du Nigeria, mais aussi dans l’indépendance industrielle d’une grande partie de l’Afrique de l’Ouest.
Derrière ce chantier hors normes, l’objectif est clair : réduire la dépendance aux importations de produits pétroliers raffinés, tout en stabilisant les prix sur les marchés régionaux. La raffinerie, entrée en production effective depuis 2024, a déjà commencé à produire du kérosène, du diesel et du naphta, avec une montée en puissance progressive vers l’essence. Ce projet, bien qu’ayant connu des retards, incarne la vision de son promoteur : un développement enraciné, tourné vers les besoins concrets des populations et les impératifs de souveraineté.
L’Afrique, laboratoire d’avenir
À travers ses déclarations et ses investissements, Aliko Dangote trace une ligne de conduite. Il ne s’agit plus seulement de croire en l’Afrique, mais de la bâtir. Selon lui, les conditions sont réunies pour faire du continent un terrain d’initiatives économiques audacieuses. À l’image de la raffinerie de Lagos, d’autres secteurs peuvent bénéficier d’une même logique d’industrialisation ambitieuse : agriculture, construction, transformation minière, logistique.
Mais l’homme d’affaires reste lucide. Il affirme que ce changement ne viendra ni de Washington, ni de Pékin, ni de Bruxelles. Il appelle à une mobilisation des “champions africains” — entrepreneurs, banquiers, ingénieurs — pour construire une économie continentale cohérente, moins vulnérable aux chocs externes et plus résiliente face aux défis sociaux.
Une vision qui interpelle
Le discours de Dangote s’inscrit dans une dynamique de rupture avec les logiques de dépendance qui ont longtemps freiné les ambitions africaines. En misant sur une transformation structurelle portée par les capitaux locaux et les compétences du continent, il pose les bases d’un modèle économique plus ancré et plus inclusif. Mais cette vision, pour être durable, devra être partagée par les pouvoirs publics, les acteurs financiers et surtout les citoyens.
Le défi reste immense : infrastructures défaillantes, accès limité au crédit, instabilités politiques et déficit de formation. Pourtant, le parcours de Dangote montre que des leviers existent, à condition d’oser les activer. Son message, à la fois optimiste et exigeant, renvoie chaque acteur africain à sa part de responsabilité. Car pour espérer voir émerger un « paradis », encore faut-il commencer par croire à la possibilité du chantier.
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