Confrontés à une baisse significative de leurs ressources en eau douce, les pays du Maghreb intensifient leur recours au dessalement de l’eau de mer. Cette solution technique s’impose comme une réponse urgente aux effets du changement climatique, à la croissance démographique et à l’aggravation des sécheresses, notamment en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Si les stratégies varient selon les pays, les défis restent nombreux pour assurer une production durable et économiquement viable.
L’Algérie et le Maroc : investissements massifs, résultats contrastés
L’Algérie est l’un des pionniers de la région en matière de dessalement. Elle dispose actuellement de plus d’une dizaine d’usines, dont certaines de grande capacité comme celle de Fukara à Oran ou de Cap Djinet. Le gouvernement ambitionne d’atteindre à court terme une autonomie hydrique partielle pour les grandes villes côtières, avec un objectif fixé à plus de 3,5 millions de m³/jour d’eau dessalée. Toutefois, les contraintes techniques et la dépendance aux énergies fossiles freinent une généralisation plus large du modèle.
Le Maroc, de son côté, a lancé plusieurs projets d’envergure, notamment à Agadir et Casablanca, avec une stratégie axée sur l’agriculture irriguée et l’alimentation des grandes agglomérations. Ces projets s’inscrivent dans le Plan National de l’Eau à l’horizon 2050. Le recours aux énergies renouvelables, notamment le solaire, est présenté comme un levier pour réduire le coût énergétique du processus, même si le déploiement reste inégal et encore dépendant du soutien public.
En Tunisie, un développement plus modeste et des obstacles persistants
La Tunisie, bien qu’ayant recours au dessalement depuis les années 1990, affiche un rythme plus modéré. Les unités en activité, comme celles de Djerba ou Zarzis, servent principalement les zones touristiques du sud. Les autorités prévoient une montée en puissance avec de nouvelles stations à Sfax et Gabès, mais les délais d’exécution, le coût d’investissement et l’endettement du secteur public freinent leur concrétisation. La question de l’accès équitable entre les régions littorales et intérieures reste également posée.
Au-delà des considérations techniques, l’enjeu environnemental est crucial : la gestion de la saumure rejetée en mer, riche en sel et en produits chimiques, soulève des inquiétudes quant à son impact sur les écosystèmes marins. La raréfaction des nappes phréatiques accentue aussi la pression sur les autorités pour diversifier les sources d’eau sans compromettre les équilibres écologiques.
Entre besoins urgents, contraintes budgétaires et impératifs de transition énergétique, le dessalement s’impose au Maghreb comme une solution nécessaire mais non suffisante. Une gouvernance régionale plus coordonnée et une meilleure intégration des solutions naturelles, comme la réutilisation des eaux usées ou la collecte des eaux de pluie, pourraient venir en complément pour faire face à un défi devenu structurel.



