Depuis plusieurs décennies, le Sahara occidental reste le théâtre d’un bras de fer persistant entre le Maroc et le Front Polisario. Ce dernier, soutenu à ses débuts par l’Algérie, milite pour l’indépendance de ce territoire que Rabat considère comme faisant partie intégrante de son royaume. Si le conflit a connu des phases de tension et de relâchement, les lignes de front diplomatiques et militaires semblent aujourd’hui se redessiner. Des accusations récentes laissent entendre que le différend local prend une tournure beaucoup plus préoccupante, dépassant largement les enjeux traditionnels de souveraineté territoriale. Le Front Polisario serait désormais engagé dans une alliance active avec des acteurs militaires liés à l’Iran et au Hezbollah, un développement qui suscite l’inquiétude des chancelleries occidentales.
Une implication croissante de l’Iran
Ce que certains observateurs qualifiaient autrefois de soutien indirect se transforme en une coopération de plus en plus visible. Selon Robert Clark, analyste en sécurité et ancien militaire britannique, Téhéran aurait fourni au Front Polisario un arsenal pointu : roquettes et autres équipements militaires modernes. C’est ce qu’a déclaré le chercheur Robert Clark dans une tribune publiée le 1er juillet dans The Telegraph. Ces armes n’auraient pas seulement renforcé les capacités du mouvement séparatiste, elles auraient aussi été utilisées dans des attaques visant des civils marocains près de zones administrées par l’ONU, ce qui marque un tournant alarmant dans la dynamique du conflit.
Pour les experts en géopolitique, ce type de transferts d’armes ne relève pas du hasard. Il s’agirait d’une stratégie calculée visant à étendre l’influence de l’Iran dans une région longtemps dominée par d’autres puissances. L’implantation de réseaux proches de Téhéran en Afrique du Nord ne se limite plus à la sphère religieuse ou idéologique : elle prend désormais une forme militaire concrète. Le Front Polisario, longtemps vu comme un acteur isolé, serait devenu un relais opérationnel du duo Iran-Hezbollah, au même titre que certains groupes en Syrie ou au Yémen. Ce changement de posture l’intègre dans un échiquier sécuritaire bien plus large, où les objectifs vont au-delà de l’indépendance sahraouie.
Les capitales occidentales tirent la sonnette d’alarme
Face à ce qui ressemble de plus en plus à une infiltration stratégique dans le Maghreb, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. Aux États-Unis, des membres du Congrès, toutes tendances confondues, ont proposé d’inscrire le Front Polisario sur la liste officielle des organisations terroristes. Une telle mesure traduirait une prise de conscience du risque que représente ce nouvel alignement géopolitique. Du côté britannique, les appels se multiplient pour que Londres adopte une position similaire, dans la continuité de son appui au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental.
Cette évolution du dossier saharien inquiète d’autant plus qu’elle pourrait créer une zone de tension durable à proximité de l’Europe. À l’instar d’un brasier latent, les ramifications d’un conflit instrumentalisé par des puissances extérieures pourraient déstabiliser non seulement le Maroc, mais aussi l’ensemble du Maghreb. Cela met également en jeu des intérêts stratégiques cruciaux pour l’Europe et l’Amérique du Nord, tant sur le plan énergétique que sécuritaire.
Le conflit local devient un enjeu régional
La transformation du Front Polisario en maillon actif de réseaux armés liés à l’Iran renforce l’idée que le Maghreb n’est plus à l’abri des reconfigurations militaires à l’œuvre au Moyen-Orient. Ce phénomène rappelle la manière dont d’autres mouvements ont été instrumentalisés par des puissances tierces pour servir des objectifs qui dépassent largement les revendications initiales. L’histoire du Hezbollah au Liban ou des Houthis au Yémen montre bien ce modèle.
Ainsi, le Sahara occidental devient un terrain propice aux stratégies d’expansion indirecte. Pour Rabat, il ne s’agit plus seulement de défendre une intégrité territoriale, mais de contenir un réseau transnational susceptible de menacer sa sécurité intérieure. Et pour les alliés occidentaux, le dilemme est clair : rester spectateurs d’une lente érosion de l’ordre régional ou agir de manière préventive face à une menace qui ne cesse de muter.
Si les preuves matérielles du soutien iranien se confirment, une nouvelle ère de confrontation indirecte pourrait s’ouvrir en Afrique du Nord. Elle imposera aux acteurs locaux, tout comme à leurs partenaires étrangers, une révision en profondeur de leurs priorités diplomatiques et sécuritaires. À mesure que les lignes d’alliances se durcissent, le conflit du Sahara occidental cesse d’être une simple affaire d’autodétermination pour devenir un nœud géostratégique d’envergure.



