Dans les foyers comme dans les entreprises, WhatsApp a progressivement remplacé les outils de communication classiques. Ce qui n’était au départ qu’un service de messagerie parmi d’autres est devenu un réflexe quotidien, y compris dans les échanges entre salariés et employeurs. Rapide, accessible et omniprésente, l’application a conquis une place centrale dans les interactions sociales et professionnelles. Mais cette ubiquité n’en fait pas pour autant un outil reconnu dans tous les cadres formels, comme le montre une récente affaire jugée à Casablanca, où l’envoi d’un simple message a suffi à faire basculer le sort d’une salariée.
Une notification jugée invalide
Pensant bien faire, une employée absente pour raison de santé a transmis son document médical par WhatsApp au service RH. Mais l’entreprise n’a pas considéré cette démarche comme valable. Elle a contesté la réception du justificatif, estimant qu’il n’avait pas été communiqué selon les modalités prévues. Selon elle, seule la messagerie professionnelle, explicitement désignée comme canal officiel, permettait de signaler une absence sous 48 heures
La justice de première instance avait d’abord donné raison à la salariée, en exigeant que son employeur lui verse plus de 222 000 dirhams au titre de la rupture du contrat. Mais la cour d’appel est revenue sur ce jugement. Elle a estimé que l’employée, en agissant en dehors des cadres définis, avait elle-même provoqué l’arrêt de sa collaboration avec l’entreprise. L’affaire a ainsi pris un tournant inattendu, transformant une tentative de justification en faute lourde.
Le flou entre spontanéité et formalisme
Le cœur du litige ne résidait pas dans la maladie elle-même, mais dans la manière dont l’absence a été signalée. Le recours à une application largement utilisée dans la vie quotidienne ne suffit pas à valider une démarche aux yeux du droit du travail. Les juges ont considéré que les règles internes priment sur les pratiques informelles, même répandues. En clair, une information partagée par un canal non reconnu n’a aucune portée, même si elle semble de bonne foi.
Cet écart entre les usages numériques et les exigences contractuelles n’est pas propre au Maroc. Dans de nombreuses entreprises, la tentation est grande de se fier à la souplesse des nouvelles technologies. Mais en cas de conflit, c’est le cadre réglementaire qui l’emporte, pas les automatismes issus du quotidien.
Un avertissement pour les salariés connectés
Cette décision de justice envoie un signal limpide : ce n’est pas parce qu’un outil est pratique qu’il est valable. L’accessibilité d’une application comme WhatsApp ne la rend pas juridiquement fiable, surtout en matière de procédure disciplinaire ou administrative. Pour les salariés, il ne suffit pas d’informer — encore faut-il le faire selon les formes établies. Et pour les employeurs, cette affaire souligne la nécessité de rappeler clairement les règles en matière de communication interne.
Au moment où les messages s’échangent à toute heure et sur tous les supports, ce cas rappelle que les frontières entre instantanéité et obligation restent nettes. Une erreur d’aiguillage, même numérique, peut entraîner la perte de droits pourtant essentiels.



