Cambérène a renoué avec la violence ce lundi, lorsqu’une scène captée en direct sur les réseaux sociaux a réveillé des blessures à peine refermées. Dans une vidéo largement diffusée sur X et TikTok, on y voit un homme, visiblement blessé et désarmé, tenu par des policiers et exposé à la foule comme s’il servait de bouclier humain. La scène se déroule aux abords de la VDN 3 et les images suscitent une onde d’indignation nationale.
Le fait que l’incident ait été filmé et diffusé en direct n’a laissé aucune place à l’ambiguïté. Le geste des forces de l’ordre est perçu non seulement comme une dérive, mais comme une humiliation publique, infligée à un homme déjà maîtrisé. Ce n’est pas la première fois que des accusations de brutalité sont portées contre la police sénégalaise, mais la charge émotionnelle de cette séquence ravive un sentiment de méfiance généralisée. Sur les réseaux sociaux, les commentaires oscillent entre colère pure, appels à la réforme et constats désabusés. Pour beaucoup, c’est une scène déjà vue, un cauchemar qui se répète à intervalle régulier.
Des réactions, une soif de justice
Au-delà des faits, les mots partagés par les internautes témoignent d’un fossé grandissant entre les citoyens et leurs institutions de sécurité. « La police continue d’utiliser les citoyens comme barrière », écrit un journaliste visiblement épuisé. D’autres évoquent des méthodes « héritées d’un autre temps », qui transforment la force publique en source d’insécurité plutôt qu’en rempart protecteur. L’événement de Cambérène vient réveiller le spectre des années noires : celles où les manifestations de 2021, 2023 et 2024 ont été marquées par des morts non élucidées, des disparitions, des blessés à jamais oubliés.
Entre 2021 et 2024, des dizaines de décès liés aux répressions de manifestations ont été recensés. Tortures, tirs à balles réelles, usage arbitraire de la force : les accusations sont nombreuses, mais les réponses judiciaires se font attendre. À ce jour, aucune condamnation ferme n’a été prononcée contre des agents des forces de l’ordre pour les violences constatées durant ces événements. Ce silence judiciaire a creusé une fracture profonde entre la population, notamment la jeunesse urbaine, et les autorités en uniforme. Ce qui se joue désormais dépasse Cambérène : c’est la légitimité de l’État lui-même qui vacille chaque fois qu’il ferme les yeux sur les débordements de ses agents.
Reconstruire la confiance, un chantier immense
Face à l’indignation, le pouvoir politique ne peut plus se contenter de discours généraux sur la paix et l’ordre. Il devient urgent d’affronter les vérités que les vidéos de Cambérène projettent sans filtre. Il ne s’agit pas seulement d’enquêter sur un incident isolé, mais d’interroger un système, une doctrine d’intervention, une culture professionnelle trop souvent détachée du respect des droits fondamentaux.
Réformer la police, ce n’est pas affaiblir l’État : c’est le renforcer en le rendant crédible. C’est comprendre que chaque abus non puni fragilise l’idée de justice, alimente les colères et dessine les contours d’une société méfiante, prête à exploser à la moindre étincelle. À Cambérène, l’étincelle est venue d’une image. Il revient désormais à l’autorité de prouver que la justice peut aller au-delà de l’indignation passagère.
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