Depuis le 18 juin 2025, le système judiciaire sénégalais est en crise. Les grèves successives des syndicats de la justice, notamment le SYTJUST et l’UNTJ, ont paralysé les tribunaux, provoquant un enchaînement de lenteurs administratives et des renvois d’audiences à une échelle alarmante. Cette situation a mis sous pression les citoyens et les avocats, souvent dans l’incertitude quant à l’avancement de leurs dossiers. Mais les causes profondes de ce mouvement de grève vont bien au-delà des simples conditions de travail. Elles révèlent une rupture plus profonde entre les syndicats du secteur judiciaire et leur ministre de tutelle.
Un ministre qui perd la confiance des syndicats
Le climat de tension a franchi un nouveau seuil début juillet, avec une déclaration incendiaire de l’Entente SYTJUST – UNTJ, les deux principales organisations syndicales des travailleurs de la justice. Dans un communiqué daté du 3 juillet, ces syndicats ont exprimé leur colère après quatorze mois de négociations qu’ils jugent désormais futiles. Selon eux, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a rompu une promesse tacite, trahissant la confiance qu’ils lui avaient accordée.
Les syndicats évoquent notamment deux décrets controversés qui étaient au cœur des discussions. Le premier, relatif à l’alignement des greffiers sur la hiérarchie A2, a suscité des inquiétudes. Le second décret, qui bloque la création du corps des assistants de greffes et des parquets (AGP), a aussi alimenté des revendications sociales. Pourtant, un consensus semblait avoir été trouvé en novembre 2024, lors d’un atelier national où le ministre avait promis une avancée significative.
Cependant, un revirement du ministère en juin 2025 a mis en lumière des divergences sur ces engagements. Les syndicats parlent d’un « retournement brutal » des positions, un retournement qu’ils jugent aussi incompréhensible qu’injustifiable. Cette situation a alimenté la colère des représentants syndicaux, qui n’hésitent plus à qualifier ce changement de comportement de « trahison ».
La gestion des carrières, un terrain glissant
Face à la montée en puissance des revendications syndicales, le ministère de la Justice a réagi en publiant un communiqué officiel. Dans celui-ci, le ministre Ousmane Diagne a tenté de justifier la position de son département en soulignant que la gestion des carrières des agents publics relève, en fait, de la compétence du ministère de la Fonction publique. Selon ce point de vue, le ministère de la Justice serait dans l’incapacité d’administrer seul les carrières des agents judiciaires, ce qui soulève des questions sur l’ampleur de la délégation des pouvoirs.
Le communiqué indique également que les discussions concernant les décrets en question doivent être examinées en collaboration avec d’autres instances gouvernementales, notamment le Premier ministre et la Fonction publique. Si le ministère tente de se décharger de certaines responsabilités, cette tentative de clarification semble toutefois mal reçue par les syndicats, qui y voient une nouvelle forme d’esquive, au lieu d’une véritable solution aux problématiques qui secouent le secteur judiciaire.
Un avenir incertain pour le secteur judiciaire sénégalais
La grève actuelle, déjà longue de plusieurs semaines, semble n’être que la partie émergée de l’iceberg. Bien au-delà des revendications immédiates sur les décrets en question, ce conflit entre les syndicats et le ministère de la Justice met en lumière un malaise plus profond, celui de l’administration de la justice et de la gestion des carrières des agents publics. Les retards dans le traitement des affaires judiciaires ne sont que le reflet d’une organisation plus vaste, marquée par des dysfonctionnements et des incompréhensions entre les acteurs clés.
Les syndicats du secteur appellent désormais à une intensification de la lutte, promettant de continuer à exercer une pression sur les autorités pour obtenir des réponses concrètes et des avancées réelles. Dans un contexte où les enjeux de gouvernance et de transparence restent au cœur des préoccupations publiques, l’issue de ce bras de fer pourrait bien affecter la perception de la justice et des institutions dans leur ensemble. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.



