Taiwan : la Russie comme renfort pour la Chine ?

L’histoire récente a montré que Moscou et Pékin partagent un intérêt stratégique pour réduire l’influence occidentale dans leur environnement régional. Ces deux puissances ont souvent coopéré, que ce soit au Conseil de sécurité de l’ONU ou dans des exercices militaires conjoints. Si leurs relations ont connu des phases de méfiance au XXe siècle, la rivalité avec Washington les a rapprochées au fil du temps. Cette convergence d’intérêts donne aujourd’hui une nouvelle dimension aux inquiétudes autour de Taïwan.

Des capacités techniques et humaines au service de Pékin

Le rapport du Royal United Services Institute (RUSI), publié le 26 septembre, suggère que Moscou ne se contente pas de livrer du matériel à Pékin : elle offrirait aussi un savoir-faire spécifique. Il est question de véhicules d’assaut amphibies BMD-4M, de blindés aéroportés BTR-MDM et de canons Sprut-SDM1, conçus pour être déployés rapidement par les airs. Ces systèmes ne sont pas de simples équipements : ils sont intégrés à un ensemble de procédures et d’entraînements qui permettraient à des troupes de prendre pied sur un territoire côtier ou près d’infrastructures stratégiques.

L’un des points marquants du rapport réside dans la mention de parachutes « Dalnolyot », capables de larguer des forces spéciales à haute altitude et de leur permettre de planer sur plusieurs dizaines de kilomètres. Une telle technologie vise à rendre plus discrètes les premières phases d’un débarquement ou d’une saisie de points sensibles comme des ports ou des aérodromes.

L’étude indique également que la coopération ne se limite pas aux livraisons : des instructeurs russes formeraient des unités chinoises au maniement de ces systèmes et aux tactiques de commandement associées. Ce transfert de compétences est perçu comme un facteur clé, car l’Armée populaire de libération dispose d’équipements modernes mais reste moins expérimentée dans les opérations aéroportées à grande échelle.

Un partenariat qui inquiète, mais reste à confirmer

Les auteurs du rapport reconnaissent que les documents à l’origine de leurs conclusions — près de 800 pages diffusées par un groupe de hacktivistes — n’ont pas été authentifiés de façon indépendante. Certaines pièces se présentent comme des projets ou des brouillons et ne prouvent pas que le matériel a déjà été livré ou que l’entraînement a commencé.

Cependant, l’idée que Moscou transmette à Pékin son expérience dans les assauts aéroportés a attiré l’attention. La Russie a largement recouru à ces techniques dans plusieurs conflits récents. Pour Pékin, qui envisage la question de Taïwan comme une priorité de long terme, disposer d’une telle expertise renforcerait ses options.

Cette coopération, même à l’état de préparation, montre un rapprochement stratégique : elle associe le savoir opérationnel russe à l’industrialisation et aux ambitions chinoises. Si elle se concrétise, elle modifierait l’équilibre des capacités régionales et rendrait plus complexe la dissuasion exercée par les États-Unis et leurs alliés en Asie de l’Est.

Il reste toutefois des inconnues majeures. Une opération militaire contre Taïwan nécessiterait une logistique considérable, une coordination interarmées de haut niveau et des moyens navals et aériens massifs. L’expérience russe pourrait réduire certains écarts, mais ne l’effacerait pas.

En réunissant les moyens de l’un et l’expérience de l’autre, Pékin et Moscou semblent explorer une synergie militaire qui pourrait changer le calcul stratégique autour du détroit de Taïwan. Reste à savoir si cette coopération franchira le seuil du projet pour devenir un levier concret, et si elle entraînera un nouvel ajustement des postures de défense dans la région Asie-Pacifique.

Laisser un commentaire