La Distraction: Le Nouveau visage de la colonisation et de la domination en Afrique

Dans l’arène mondiale de la compétition économique et du développement, un phénomène insidieux et déroutant semble prendre racine sur le continent africain : la distraction de masse, promue et entretenue à une échelle alarmante, au point de devenir une nouvelle forme de colonisation mentale et de domination structurelle. Pendant que les grandes nations investissent massivement dans l’éducation, la recherche et l’innovation technologique, une grande partie de la jeunesse africaine est captivée par un flux incessant de divertissement superficiel, creusant un fossé béant entre le potentiel intellectuel du continent et sa réalité socio-économique.

Le paradoxe est frappant : des milliers de diplômés africains, formés souvent au prix de lourds sacrifices, se retrouvent au chômage, leurs compétences académiques sous-utilisées ou ignorées. Simultanément, la société et les médias hissent au pinacle les comédiens, les influenceurs, et les acteurs de la distraction. Ces figures, souvent issues du divertissement de basse qualité ou de l’exhibitionnisme des réseaux sociaux, deviennent les nouvelles stars, accaparant l’attention et les ressources qui devraient, de toute logique, être dirigées vers l’élite intellectuelle, les innovateurs et les bâtisseurs de la nation.

Leurs plateformes – qu’il s’agisse des chaînes de télévision ou des réseaux sociaux – offrent une tribune privilégiée à ce que l’on pourrait qualifier de demi-lettrés. La célébrité est décernée non pas pour la profondeur de la pensée, la pertinence d’une analyse ou la complexité d’une invention, mais pour la capacité à faire rire, à choquer ou à divertir de manière éphémère. On se rappelle le refus de l’écrivain ivoirien Tiburce Koffi dans le cadre du prix Bernard Dadié, il y a quelques mois « Comment peut-on donner 10 000 000 FCFA, une villa et bien d’autres à la Miss ivoirienne pour avoir exposé ses fesses et sa poitrine à travers le monde, mais récompenser un intellectuel qui a fait preuve dans son domaine avec une somme insignifiante ? », se désolait – il. Ce culte de la futilité détourne les penseurs et les jeunes esprits des débats constructifs, des défis réels du développement et de la nécessité impérieuse de l’autonomie africaine.

Les médias et les réseaux sociaux : outils de mise sous tutelle

Les médias jouent un rôle central dans cette mécanique de la distraction. De nombreuses chaînes de télévision en Afrique consacrent une majorité de leurs heures de diffusion à des contenus purement divertissants, souvent importés ou de facture locale médiocre. Le message véhiculé est clair : l’Afrique est un continent qui doit être amusé, non éduqué. Comme pour confirmer ce que disait l’autre « l’émotion est nègre, la raison est hélène ». Ces programmateurs, consciemment ou non, participent à une forme de sédation collective, alors que le rôle régalien des médias est informer, éduquer et distraire. Malheureusement c’est le tout dernier rôle qui est devenu le premier dans le dessein de la domination de l’Afrique.

À cela s’ajoutent les réseaux sociaux, devenus une tribune d’exhibition et de comédie pour une jeunesse en quête de reconnaissance instantanée. L’algorithme, puissance nouvelle et invisible, favorise le sensationnel et l’émotion facile, reléguant au second plan les contenus éducatifs, scientifiques ou philosophiques. Il ne s’agit plus de communication, mais d’une véritable course à la vacuité, où le temps et l’énergie des jeunes sont siphonnés dans des boucles infinies de consommation passive et d’autopromotion superficielle.

La Puissance de l’éducation contre la faiblesse du divertissement

Pendant que l’Afrique se divertit, d’autres nations sont à l’œuvre. Des pays comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud illustrent l’impact d’une approche radicalement différente. Ils ont érigé leur développement sur les piliers d’une éducation rigoureuse, d’une discipline collective et d’un investissement massif dans la science et la technologie. Leurs populations sont encouragées à innover, à produire de la connaissance et à exceller. Ces nations prennent peu à peu le pas sur le monde, redéfinissant les équilibres de puissance, non pas par la force militaire, mais par la compétence intellectuelle et la maîtrise technologique. Pendant ce temps, on organise en Afrique des after-party, des fêtes par ci par là, des rendez-vous de bouffe, de danse de jeux…

La distraction massive en Afrique n’est donc pas un simple phénomène culturel, mais une stratégie silencieuse de domination. En maintenant la jeunesse dans un état de stimulation constante mais non productive, on étouffe l’esprit critique, on retarde la prise de conscience des enjeux stratégiques et on garantit la dépendance économique continue vis-à-vis des puissances qui, elles, ne se sont pas laissé distraire.

Appel à la conscience et à l’action politique

Quelques voix s’élèvent pour dénoncer cette dérive. Des figures, comme le Capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso, ont publiquement souligné l’urgence de cette situation, exhortant la jeunesse à se concentrer sur l’éducation et le travail productif. Ce sont des appels à une révolution des consciences, à un retour aux fondamentaux du labeur et de la réflexion.

Malheureusement, la majorité des dirigeants africains semblent profiter de la situation. Un peuple distrait est un peuple qui ne questionne pas les défaillances de la gouvernance, la mauvaise gestion des ressources ou la persistance des systèmes de prédation économique. Le divertissement devient un opium politique, une soupape de sécurité qui canalise la frustration loin des centres de pouvoir.

L’Afrique est à la croisée des chemins. Soit elle embrasse la discipline de l’esprit, l’austérité intellectuelle et l’investissement dans ses cerveaux, suivant l’exemple des nations qui dominent désormais l’économie mondiale. Soit elle persiste dans la voie de la distraction érigée en mode de vie, condamnant ses générations futures à une colonisation d’un genre nouveau : non plus par les armes et l’administration directe, mais par la soumission volontaire de l’esprit à la futilité. Il est temps que l’Afrique débranche la télévision, éteigne les réseaux sociaux et remette les livres, les laboratoires et les ateliers au centre de son projet de société.

7 réflexions au sujet de “La Distraction: Le Nouveau visage de la colonisation et de la domination en Afrique”

    • Je confirme !
      Lorsque les Africains auront compris qu’ils doivent commencer par compter sur eux, ça ira déjà mieux !

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  1. Bel article mais la peinture reste superficielle à mon avis. L’auteur pouvait ajouter les soirées cinématographiques et de divertissements avec des artistes commanditées souvent par certains gouvernements lors des vacances et temps de pauses pour distraire une bonne partie de sa jeunesse. Ajoutons à cela les soirées footballistiques avec des écrans géants en plein air dans des restaurants et buvettes pour attirer beaucoup de jeunes qui s’y attroupent à longueur de nuit pour rentrer parfois très tard à la maison.
    Les causes , certains parents à cause de la pitances quotidiennes laissent leurs progénitures à leur sort et tant pis pour le reste.
    Les gouvernements qui se ne soucient plus trop de cette jeunesse que lors des campagnes électorales avec des promesses sans lendemain.
    merci à vous

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  2. bel article qu on aimerait lire plus souvent. un bémol toutefois. Le dirigeant burkinabè cité en exemple, alors qu il est lui même un acteur et plus encore de cette distraction de la jeunesse dénoncée par l auteur, avec une armée de fanatiques décérébrés prêts ou encouragés à en découdre sur les réseaux sociaux avec tous ceux qui n aboient pas avec eux ( souvent par la vulgarité, la violence verbale et une argumentation pauvre, l émotion en un mot), armée savamment entretenue, par un narratif d embrigadement servi par une omniprésence médiatique, et même s il le faut par la fabrication de faux par l intelligence artificielle.

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  3. L’Afrique est devenue la marionnette du monde occidental. Nous ne produisons absolument rien de nous-mêmes. Tout est importé et l’Afrique entière est assommée bombardée par les produits Européens. Nous ne ne désirons rien faire de nous-mêmes, l’Africain est le premier en possession des dernières technologies de pointe.
    Tu les vois circuler en LEXUS au vitre tintée, on se demande ce qu’ils cachent.
    Un continent vivant mais détruit et perdu!

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  4. Que dire ? C’est désolent ! Les réseaux sociaux font davantage la promotion de la débauche que de l’éduction Afrique noire. Il suffit de faire un tour sur Tiktoc ou Youtube et taper « MOUGOU » pour voir l’ampleur du désastre. La jeunesse africaine a perdu le sentier étroit de vertue. Elle déblaterre des obsénités, montre son intimité, ment, vole… etc. Pendant ce temps, les peuples qui ont créé les réseaux sociaux prospèrent … Triste Monde noir..

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  5. Bel article. Appel à la prise de conscience. Certes un devoir des autorités politiques mais d’abord une obligation dans le cocon familial de définir les priorités de vie aux enfants avec la rigueur qui doit suivre.

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