La crise béninoise en débat sur Rfi : L’émission dominicale de Madeleine Mokamambano, « le débat africain » que vous pouvez écouter sur notre site internet www .lanouvelletribune.info était consacrée avant –hier au Bénin. Après Bruno Amoussou qui était l’invité de Christophe Boisbouvier en début de semaine dernière, c’est la seconde fois en une semaine que « la crise » qui secoue le microcosme politique trouvait échos à l’extérieur.
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Ce document est une émission RFI de ce dimanche 7 décembre 2009. Connectez vous à www.rfi.fr pour plus d'informations
Autour de la célèbre animatrice de Rfi , il y avait sur le plateau, le professeur de droit Albert Bourgi grand admirateur de l’expérience démocratique béninoise, et , depuis Cotonou au téléphone, les ministres Roger Gbégnonvi et Victor Topanou dans le rôle d’avocats défenseurs plus ou moins favorables au pouvoir et le président Antoine Kolawolé Idji dans celui d’opposant. Un plateau idéal pour un débat fécond entre un ex -membre dit de la société civile éphémère ministre fraîchement sorti du gouvernement Yayi dont on attendait de connaître la nouvelle position, un Victor Topanou jamais en panne de mots pour dire du bien de son idole et Kolawolé Idji, vice président du Madep qui a admirablement conservé les réflexes de l’ancien militant du mouvement démocratique des années 60 , le verbe limpide prononcé sur un ton affable mais toujours ferme et plein de conviction et un outsider, le professeur Bourgi dont on attendait des explications scientifiques à la crise actuelle. A la fin de l’émission qui ne dure qu’une quarantaine de minutes, l’auditeur averti que nous sommes est resté sur sa faim , car en fait de débat , on a eu droit plutôt à quatre monologues où chacun des acteurs béninois s’est évertué à donner sa version de la crise et le professeur Bourgi qui n’est intervenu que deux fois comme Gbégnonvi s’est cantonné dans le rôle d’observateur n’ expliquant les soubresauts actuels que comme une preuve de la vitalité de la démocratie béninoise . Lui habituellement si volubile sur les tenants et aboutissants des crises africaines est resté tout le temps sur la défensive et l’on sentait visiblement qu’il n’avait pas toutes les informations.
A propos d’informations, c’est l’honorable Kolawolé Idji qui est apparu le plus convaincant pour les auditeurs étrangers sur les origines de la crise actuelle : le soutien plus ou moins franc de toute la classe politique à l’élu du 06 avril 2006, les conseils donnés et jamais suivis et les dérives de la gouvernance actuelle : la mise sous tutelle de l’Assemblée Nationale, les marchés signés de gré à gré entre autres . Victor Topanou n’a jamais quitté son rôle d’avocat défenseur, ne trouvant rien dans la façon de gouverner de son patron qui puisse susciter autant d’acharnement de l’opposition, sinon sa volonté d’entraver son action de développement. Il finit néanmoins son laïus en demandant à l’opposition de laisser le président élu gouverner, en feignant d’ignorer tous les artifices mis en œuvre par lui et son mentor pour diviser cette même opposition( le gouvernement pléthorique de 30 membres qu’il a tenté de justifier auparavant en fait foi) et faisant comme si on pouvait diriger ce pays tranquillement en mettant à dos toute sa classe politique. Le professeur Gbégnonvi quant à lui est resté dans une position qui rappelle le slogan vaseux des forces démocratiques des années 70 à l’avènement de la pseudo révolution du commandant Kérékou, quand l’on parlait de « soutien tactique et de démarcation stratégique ». Un pied dedans, un pied dehors. On le sentait un peu amer lorsqu’il parle de Yayi comme de quelqu’un qui n’est pas un saint, sans dire en quoi il ne l’est pas mais il s’acharne à parler de l’élu du 06 avril 2006, comme si l’élection avait lieu aujourd’hui , en cette fin d’année 2008, son idole-messie en qui il n’a cessé de croire , en dépit de son éviction humiliante du gouvernement, pourrait rééditer l’exploit des 75% d’avril 2006.
Or, le fond du problème est ailleurs et en cela, le Bénin ne diffère que très peu des autres pays africains, n’en déplaise à Albert Bourgi . Le pouvoir en Afrique est essentiellement partagé entre les vainqueurs et les vaincus , sinon , bonjour les dégâts ! Et la frustration des vaincus est d'autant plus grande que l'élu donne la fâcheuse impression "de manger" tout seul "à la louche"! Il n’y a qu’à regarder l’exemple de la Côte d’Ivoire toute proche ou de la lointaine Centrafrique où l’on parle de « dialogue inclusif » pour s’en convaincre . Comment expliquer autrement qu’ en moins de deux ans et demi d’exercice du pouvoir, un président aussi consensuellement élu en est arrivé à décevoir aussi bien les populations qui espéraient le changement que la classe politique qui a très tôt reconnu sa défaite et a adhéré , même si c’est du bout des lèvres, au slogan de « ça va changer ! ». Et comment ne pas comprendre et reconnaître que le président Yayi est le seul responsable de ses malheurs actuels : en concluant en mars 2007 au sortir des législatives, l’accord que l’on sait avec la frange la plus réfractaire au changement, (c’est un euphémisme !),pour se donner une majorité, il avait de ce seul fait condamné son régime à ne rien changer. La preuve : toutes les structures comme l’inspection d’Etat censées promouvoir ce changement n’ont jamais fonctionné ou si peu. Il ne pouvait en être autrement car sa propre gouvernance laisse à désirer. On comprend qu’il n’a d’autre choix, comme Bozizé , que de négocier ou d’ aller de fuite en avant en fuite en avant , en formant et reformant des gouvernements pléthoriques avec des gens insignifiants et aussi peu représentatifs qui lui apporteront rien sinon «le piège sans fin» des crises interminables.
Vincent FOLY