Dossier spécial conférence nationale

Le contexte d’avant conférence

La convocation de la conférence par le président Mathieu Kérékou a été la résultante de deux grandes conjonctures. Au plan international, l’année 1989 a été marquée par la dislocation du bloc soviétique, la chute du mur de Berlin. Au plan national,  la déconfiture nationale née de l’échec de la  révolution avec la banqueroute de toutes les sociétés, la cessation de paiement des salaires, les grèves perlées et la lutte contre la confiscation des libertés publiques. Cette situation amena le président Mathieu Kérékou à prendre cette décision salutaire de convoquer une conférence nationale.

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On était en 1989.  Une année décisive dans la marche du peuple béninois vers la démocratisation. L’Etat en banqueroute ne pouvait plus payer ni salaires, ni pensions de retraite, ni bourses. De Janvier à Août, tous les travailleurs y compris les enseignants des trois ordres de l’enseignement et les étudiants étaient en grève. Le pays était paralysé. Pris de panique, le gouvernement du président Kérékou réprimait sans discernement. Le Parti communiste du Bénin (Pcb) est entré dans la danse avec la création un peu partout des comités d’action qui organisaient les travailleurs mais surtout les étudiants et les élèves à l’insurrection. C’est dans cette situation qu’intervient le renouvellement de l’Assemblée nationale révolutionnaire. Celle-ci est composée des représentants des différentes catégories professionnelles. Le scrutin a eu lieu le 28 juin 1989  et révéla le malaise profond qui existait dans le pays. Très peu d’électeurs se rendront aux urnes ce jour-là. Pour autant, l’élection est validée et permettra de dégager quelques représentants des catégories socioprofessionnelles. Deux  enseignants de l’Université d’Abomey-Calavi ,les professeurs Réné Ahouansou et Robert Dossou sont  ainsi élus commissaires du peuple. Dans la foulée,  ces deux universitaires seront reçus, à leur demande, en audience par le Chef de l’Etat le 28 juillet 1989. Posément et méthodiquement, ils expliquent au président Mathieu Kérékou que la voie empruntée par son régime n’était pas la plus sage et qu’il lui fallait choisir la voie démocratique. En Août de la même année, Kérékou fera montre d’une première ouverture en nommant des universitaires au gouvernement.

La genèse de la conférence

Vers mi-novembre, l’idée d’organiser une conférence nationale est sortie de la bouche du président Kérékou. Le 05 décembre, le Bureau politique du Prpb se réunit. Le 06, c’est le Comité central. Puis le 07, toutes les structures du Prpb, le Bureau politique, le Comité permanent de l’Assemblée nationale révolutionnaire(Anr) et le Comité exécutif national (Cen) se réunissent et rendent publiques à la fin d’importantes décisions. Le communiqué final est éloquent. Entre autres décisions,  «le marxisme léninisme n’est plus l’idéologie officielle de l’Etat», le Chef de l’Etat se chargera de convoquer au cours du premier trimestre de l’année 1990. «Une conférence nationale regroupant tous les représentants authentiques de toutes les forces vives de la nation, quelles que soient leurs sensibilités, afin qu’ils apportent leur contribution à l’avènement du renouveau démocratique, et au développement d’une saine ambiance politique dans notre pays» et «les résultats de cette conférence nationale seront exploités pour l’élaboration d’une nouvelle constitution». Le 18 décembre, Mathieu Kérékou prend le décret instituant le Comité national préparatoire de la conférence nationale. Il est composé de huit personnes, tous membres du gouvernement mais un seul était membre du parti unique. Il s’agit de Me Robert Dossou, Pancrace Brathier, Saliou Abdou, Salifou Alidou, Ousmane Batoko, Irénée Zinsou, Germain Kadja et Amos Elègbè. C’est le même décret prescrit au comité de «définir les modalités pratiques de l’organisation de la conférence, d’en arrêter le programme et d’élaborer les documents de base». Pendant que tout cela se préparait, ça grondait toujours sur le front social et le gouvernement a été obligé d’interdire toutes les manifestations de rue et les marches. Mais un fait extraordinaire se produisit le 11 décembre 1989. Bravant les interdictions, le Pcb organisa une grande marche ce jour qui ébranla toute la ville.  Partis de Wologuèdè, l’itinéraire des manifestants est ceci:  Maison du Peuple de Cotonou 5 (Wologuèdè)-Carrefour Marina- Carrefour Marché St-Michel- Boulevard Steinmetz- Ancien Pont- Béninoise-Nouveau Pont-Marché Dantokpa-Boulevard St-Michel-Carrefour Maro-Militaire-Etoile Rouge. Sorti le soir pour constater les dégâts, le Président Kérékou fut accueilli par des jets et pierre et fut contraint de se refugier à l’Eglise St Michel. Il est difficile de croire que cette insurrection du 11 décembre 1989 n’ait pas contribué à accélérer le processus de la convocation de la conférence nationale à laquelle les communistes, hélas, refuseront obstinément de prendre part. 

520 délégués convoqués

Le premier défi du comité dirigé par Robert Dossou est d’arriver à faire venir le délégué. Ceci n’est pas évident vu la psychose qui existait dans le pays en ce temps. Minutieusement, le comité préparatoire a convoqué les délégués des Ong, des mouvements politiques, des associations de développement, les personnalités dont les anciens présidents, les Béninois de l’extérieur, les structures administratives, les confessions religieuses…En moins de deux mois, le comité a abattu un travail immense et raffiné qui a commencé à faire même des émules, mais aussi à susciter des craintes à l’extérieur. Le 14 janvier 1990, le comité préparatoire est reçu en audience à Lomé par le président togolais Gnassingbé Eyadema. Après avoir écouté religieusement la présentation des missions, le timonier togolais demande à un membre de la délégation : « Et Mathieu a accepté tout ça?».Une interrogation qui a posteriori en dit long sur les sentiments du dictateur togolais et la résistance farouche qu’il va opposer à ses opposants. La suite est connue….
Marcel Zoumènou

 

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