Centrafrique : pourquoi faut-il marquer Djotodia à la culotte ?

En Centrafrique, lors de la première session du Conseil supérieur de la Transition (Cnt), Michel Djotodia, élu président dudit Conseil, a déclaré qu’il ne sera pas candidat aux élections présidentielles de sortie de crise devant se tenir dans un délai de dix-huit mois.

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Mais bien d’éléments amènent à prendre ses propos avec beaucoup de réserves.  « Mon Premier ministre et moi allons sortir sous les applaudissements, de peur de ne pas être hués ou lapidés », ainsi s’exprimait, samedi dernier, le Président centrafricain, Michel Djotodia, cité par nos confrères de Rfi, à propos de son éventuelle candidature lors de la prochaine élection présidentielle prévue pour se tenir dans un délai de dix-huit mois. Cette déclaration, Michel Djotodia, le tombeur de François Bozizé, l’a faite alors même qu’il venait d’être plébiscité à la tête du Conseil national de transition, un habillage proposé par la Ceeac (Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale) pour légitimer le régime putschiste de la Séléka.

On pourrait, à première vue, déduire que Michel Djotodia vient de se faire, on ne peut plus clair, sur ses réelles intentions à la tête de la Centrafrique en tant que meneur de la transition. Mais il faudra prendre son engagement avec beaucoup de réserves. Surtout quand on se réfère à l’histoire de l’alternance au pouvoir en Centrafrique, la récente histoire des putschistes au Afrique et d’autres discours déjà tenus par Michel Djotodia lui-même.

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Il avait pourtant dit

Au lendemain de la prise du pouvoir par la Séléka (Alliance en langue Sango), sur les antennes de Rfi, Michel Djotodia avait tenu, à propos de la remise du pouvoir après la transition, un discours quasiment contraire à celui du samedi dernier. «…Je n’ai pas dit que dans trois ans, je remettrai le pouvoir. J’ai dit que d’ici trois ans, nous allons organiser des élections libres et transparentes, avec le concours de tout le monde.» Ainsi avait-il répondu à son interviewer quand il lui a été demandé si, dans  trois ans, la Séléka va organiser des élections et remettre le pouvoir.  Entre la déclaration du président autoproclamé et celle du président plébiscité du Conseil national de la transition, laquelle faut-il croire ? On pourrait dire qu’entre la première et la seconde déclaration de Djotodia, le temps écoulé lui a permis de comprendre que sa candidature à la présidentielle ne serait pas de nature à sortir son pays de ce cercle vicieux de l’alternance au Pouvoir par les armes. Ce pays qui connait une histoire politico-militaire triste à laquelle lui, Djotodia, à l’opportunité de mettre fin s’il ne se lance pas dans les calculs politiciens. Et si Djotodia a la volonté de se faire élire, les cas d’école dont il peut s’inspirer ne manquent malheureusement pas.  

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Louvoiement et roublardise

L’histoire politique de la Centrafrique elle-même est déjà une école pour Djotodia, avec les exemples de ses deux prédécesseurs. Allons au-delà des frontières du pays. Au Niger, le Président Tandja avait martelé qu’il ne sauterait pas le verrou du nombre de mandats présidentiels, tel que prévu par la Constitution, avant de faire un revirement spectaculaire avec son fameux « Tazarché ». En Guinée Konakry, Dadis Camara, avait juré remettre le pouvoir au civil, après avoir pris le pouvoir par putsch suite à la mort de Conté. Mais, il a exposé, au fil du temps, son ambition de tronquer le kaki contre le costume. Au Sénégal, modèle d’alternance démocratique au pouvoir en Afrique, on sait ce qui s’est passé avec le Président Abdoulaye Wade, ce démocrate qui avait refusé l’alternance. L’exemple du Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est une autre école pour Djotodia.

Djotodia  pourrait ainsi démissionner, à quelques mois des présidentiels, quitte à gouverner par personne interposée, et à se faire élire ensuite Président de la République. Dans chacun des cas, des populations, manipulées ou non, ont soutenu ces entreprises. Et des juristes se sont arrangés pour leur trouver un cachet légal.  

Déjà, Djotodia est lui-même désormais un cas d’école. L’habillage de la Ceeac, qui légalise le pouvoir putschiste, est un couteau à double tranchant qui donne des rasions d’espérer aux officiers flibustiers et aux seigneurs des coups d’Etat en Afrique.

L’on est bien tenté de croire à la bonne foi de Michel Djotodia. Cependant,  quand on tient compte du louvoiement et de la roublardise par lesquels nombre de putschistes se sont illustrés sur le continent, on a des rasions de rester aux aguets, au cas où  les délices du pouvoir l’emmèneraient à refuser de remettre le pouvoir.

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