Kenya-Centrafrique: le consensus à l’africaine!

Il est une chose qui nous surprendra toujours en Afrique. C’est la capacité des peuples à faire face aux revers. Ainsi, lorsque l’heure est grave, il y a toujours ce «génie africain» qui vient, comme par enchantement, calmer les esprits et instaurer le consensus. 

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On l’observe actuellement en Centrafrique, suite au dernier gouvernement, et au Kenya, concernant les dernières élections présidentielles. Voyons ce qui se cache derrière ce génie africain du consensus, et détaillons quelques-unes de ses manifestations, en prenant comme cadre d’observation le Kenya et la Centrafrique. Voici nos analyses sur le consensus à l’africaine…

La culture africaine de «l’arbre à palabres»!

Il est indéniable que, dans la culture africaine, il existe une forte propension à la discussion, c’est-à-dire à la concertation, dans le sens le plus positif du phénomène. Mais, parfois, dans un sens négatif, cette propension à la parole peut se muer en longues séries de bavardages stériles, inutiles, lors de rencontres qui ne servent à rien d’autre qu’à «brasser du vent»!

Ce qui nous intéresse ici, c’est la part positive du phénomène de la concertation qui débouche, le plus souvent sinon tout le temps, sur un consensus, le consensus à l’africaine. Car, finalement, tous les protagonistes d’un problème finissent par déposer les armes et à réduire leurs revendications de sorte à permettre aux autres de les satisfaire ou d’en tenir compte.

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C’est un peu ce que nous avons observé au Kenya lors des dernières élections présidentielles, ainsi qu’en Centrafrique avec la formation du premier gouvernement de l’ère Djotodia.

Au Kenya, le perdant félicite le gagnant!

Ce qui est une situation ordinaire, habituelle, dans les grandes démocraties occidentales est, en Afrique, un évènement. L’évènement, ce sont les félicitations officielles adressées par le candidat malheureux des  dernières élections kenyanes à celui qui a été élu par les urnes, Uhuru Kenyatta. Or, on se souvient que ce même Raila Odinga avait fortement critiqué le déroulement du scrutin, dénoncé la manière dont le décompte fut effectué, tout en se déclarant vainqueur lui-même, ce qui n’a pas manqué de plonger tout le pays, ainsi que les observateurs internationaux, dans l’incertitude et la crainte de nouveaux troubles postélectoraux accompagnés de violences interethniques.

C’est dans cette crainte et cette peur latente que vivait le Kenya depuis la proclamation provisoire des résultats. Que va faire Raila Odinga? Va-t-il appeler ses partisans à la violence et au soulèvement, jetant ainsi de l’huile sur le feu de la haine séculaire qui opposent Luos et Kikuyus? Il n’en a rien été.

Finalement, ayant débouté le candidat malheureux en rejetant tous ses recours, la Cour Suprême kenyane a désormais proclamé Uhuru Kenyatta comme nouveau Président.

Et c’est ici que le génie africain se mit à la manœuvre. Dans un sursaut patriotique et un sens de la démocratie, Raila Odinga a fini par accepter sa défaite et apaiser les tensions au niveau de ses partisans, en félicitant son adversaire. En agissant ainsi en gentleman et en bon démocrate, Raila Odinga vient de rassurer tout un peuple.

Un génie du consensus très pragmatique!

Mais, il ne faut pas croire que le candidat malheureux aurait abandonné toutes ses ambitions d’un seul coup, en écoutant la voix d’un hypothétique génie. L’analyste se doit d’être moins candide. En effet, il faut comprendre que Raila Odinga n’avait pas du tout les faveurs du rapport de forces. Aujourd’hui, toute l’opinion a mesuré les effets néfastes des violents affrontements de 2007-2008, et ne souhaiterait plus revivre une telle situation dommageable pour le pays, surtout sur le plan économique.

Le peuple n’a besoin que de pain et de paix… Et ces deux ingrédients de son bonheur risquent d’être incertains en cas de nouvelles violences dans le pays.

C’est pourquoi, même si Raila Odinga avait voulu appeler au soulèvement, son appel aurait été beaucoup moins suivi que par le passé ; sauf par certains inconditionnel de son camp, prêts à tout pour créer des situations de violences et de crises favorables aux pillages.

En Centrafrique, une opposition très exigeante!

En Centrafrique, c’est une tout autre situation et un autre mode opératoire pour ce génie africain très inspiré.

Après la prise de pouvoir par les putschistes de la Séléka avec l’arrivée de Michel Djotodia à la Présidence, celui-ci, toujours pour le consensus et pour montrer ses vertus démocratiques, a nommé l’ancien Premier-Ministre de Bozizé, Nicolas Tiangaye, un homme de l’opposition, afin qu’il forme un gouvernement de large union nationale rassemblant toutes les forces politiques du pays.

Evidemment, ce genre de gouvernement est une innovation africaine, car dans nos contrées, «on ne refuse pas de manger, même avec son pire ennemi à la table»!

C’est dire à quel point le consensus est bénéfique pour tout le monde, surtout financièrement parlant, car chaque partie s’en sort avec une part du gâteau national, de quoi calmer les ardeurs revendicatives.

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C’est l’absence de ce génie africain qui entraîne les longues tractations interminables pour la formation des gouvernements, en Italie par exemple, ou en Grèce où on a même été obligé de reprendre des élections, faute de majorité ou de consensus à l’africaine.

Evidemment, parfois, le ventre de certains participants au consensus national est tellement énorme qu’ils sont insatisfaits par la part de gâteau qu’on leur a attribuée, criant de plus belle, comme «l’enfant dont les parents n’ont pas tenu compte des cris et qui s’apprête à tout casser dans la maison». C’est ce qui s’est observé en Centrafrique avec le nouveau gouvernement de large union nationale pourtant contesté par une frange de l’opposition qui aurait souhaité une part plus grosse du gâteau!

Parfois, le consensus à l’africaine nous étonne par ses rouages, mais en général il faut reconnaître que cela permet de mettre fin aux dissensions et de régler les problèmes. Comme au Kenya et en Centrafrique… Ainsi va l’Afrique!

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