Le Bénin : arrière-cour des dirigeants centrafricains?

François Bozizé n’en croit pas ses yeux. Il y a cinq ans, Michel Djotodia, son tombeur, avait séjourné au Bénin, puis, à son instigation, avait été cadenassé dans les geôles de la Prison Civile de Cotonou.

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Accusé de « sédition » contre l’Etat centrafricain, il avait été relâché dix-huit mois plus tard. Avant lui, Bozizé lui-même avait vécu, dans les années quatre-vingt, la même aventure : arrêté par le Général Mathieu Kérékou, il avait connu l’infortune de l’opposant traqué, puis avait été livré, ficelé, de la tête aux pieds, à André Kolingba.

Justement, André Kolingba, avait, lui aussi ses aises à Cotonou. Il s’est fait construire à Akpakpa, zone des Ambassadeurs  une villa dans laquelle il venait sucer la vie. A l’abandon depuis sa mort, le bel édifice est devenu le logis préféré des malfrats et des squatters et se meurt lentement, rongé par la mer. A Cotonou toujours, François Bozizé dispose d’un hôtel particulier, une des villas de la Cité CENSAD, maison dans laquelle, lors de ses séjours fréquents au Bénin, il arrosait ses « frères » du Christianisme Céleste de sa bonté monétaire. C’est d’ailleurs un de ses fameux « frères » qui lui auraient prédit, lors de son premier exil à Cotonou, son avènement au pouvoir. Dès lors, il est devenu l’un des dignitaires réputés, se permettant même, alors qu’il était Chef d’Etat, de venir régulièrement à Semey-Podji célébrer le nouvel an Céleste. Aujourd’hui, François Bozizé s’apprête à subir les affres et les ennuis d’un énième exil. Sa communauté religieuse lui aurait apprêté une villa à Tchakounou, siège mondial de l’Eglise du Christianisme Céleste.

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L’autre ex du pouvoir de Bangui familier du Bénin est Ange-Félix Patassé. Détrône par le même Bozizé en 2003, l’homme à la barbichette blanche avait gagné Porto-Novo avec femme et bagages. A Djassin où il vécut, il espérait que Mathieu Kérékou l’aide à reconquérir le pouvoir. Avec son humour décapant, le Caméléon lui fit comprendre qu’ils n’avaient pas chassé les margouillats ensemble et qu’il lui serait plus sage de jeter ce rêve dans ses paniers à frustrations. Dépité, il se confia alors à Gnassingbé Eyadema. Le colosse togolais, tout en le serrant dans ses bras, lui fit savoir qu’en réalité il l’accueillait par charité, mais surtout à cause de son épouse togolaise.

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Mais le virus du Bénin ne s’est pas attaqué aux dirigeants centrafricains par hasard. C’est David Dacko, le premier président du pays qui semble en être l’origine. Fils adoptif  d’un instituteur dahoméen dont il garda le nom de famille, David avait toujours revendiqué ses parentés aboméennes. Il parlait presque sans accent le fon d’Abomey, y venait fréquemment, surtout  qu’il y a fait construire une résidence. Dès lors, s’est manifestée pour le pays une vraie sympathie de la part des Centrafricains.

Mais ce ne sont pas seulement les chefs d’Etat en fuite qui se frottent à l’hospitalité béninoise. On rencontre aussi des ex-ministres, des officiers de l’armée en cavale, des rebelles repentis et même des anonymes, simples citoyens, probables futurs présidents dans les années à venir. Car, tant que la Centrafrique continuera d’être gérée de manière aussi scabreuse par des dirigeants incompétents et kleptocrates, des oppositions se formeront toujours à l’étranger pour nourrir la rébellion contre les maîtres de Bangui.

Mais soyons franc : beaucoup de citoyens béninois, en fréquentant les chefs d’Etat centrafricains en fuite, ont tiré lucre et dentelles de leur proximité avec eux. Avant sa chute, Bozizé avait comme ministre d’Etat, le très controversé Zoulkif Salami, plusieurs fois ministre dans le gouvernement Kérékou, mais surtout…prestidigitateur. Des décennies avant lui, Octave Houdégbé, ami des bancs de Kolingba à Lagos, à Paris et ailleurs, fut copté par celui-ci dès sa prise de pouvoir. Nommé Ministre des Mines, Houdégbé va régner en maître sur le département, ne rendant compte seulement qu’à son mentor et ami. Quant à Patassé, il ne bombarda aucun béninois ministre, mais accorda à beaucoup d’hommes d’affaires des contrats d’exploitation de mines. Parmi eux, François Odjo Tankpinou. En retour, celui-ci lui avait conservé toute son amitié. Du reste, ce fut dans une de ses villas à Djassin que Patassé trouva répit avant de se tourner vers le Togo.

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