La ministre Fatouma Amadou Djibril est l’un de ces ministres dont les moindres gestes et propos ne peuvent passer inaperçus. Bombardée, à la faveur du dernier remaniement, contre toute attente du ministère- parent- pauvre de la Famille à celui de l’Agriculture, ministère de souveraineté s’il en est, tout le monde savait qu’elle ne devait cette fulgurante ascension, ni à son pedigree ni à son parcours professionnel.
On savait peu ou prou qu’elle était l’une de ces ministricules au cv squelettique à qui l’hyper-président a donné une procuration pour diriger certains ministères clés et à qui il pouvait dicter toutes sortes d’ordres sans risque d’être contredit. Et ça n’a pas raté ! Elle est la seule ministre du gouvernement à appeler le président « papa ». Ces propos de dimanche dernier sur la chaîne privée Canal 3 sur un possible 3ème Mandat de Yayi ne doivent donc pas être balayés d’un revers de la main, comme un simple lapsus linguae d’une militante zélée. Le seul fait de paraître sur l’une des seules chaînes de télévision privée très sollicitée à un jour et heure de grande écoute est déjà le signe que tout a été concocté pour elle : le timing d’abord. La prétendue réplique aux égreneurs intervient à un moment où le pays bruisse de rumeur de délégations sillonnant le septentrion pour prêcher en faveur d’une reconduction de Yayi en 2016. Au moment aussi où un vrai bras de fer oppose les magistrats au quarteron de députés initiateurs d’une loi scélérate sur le retrait du droit de grève aux magistrats. La mouvance qui pense ainsi avoir le vent en poupe, veut profiter de la léthargie d’une certaine opposition et de l’apathie générale de la population blasée par les années de galère pour marquer tous les points hic et nunc.
Ballon d’essai
Le contexte aussi c’est la fameuse Table Ronde de Paris et ses vrais faux milliards de promesses difficilement tenables. Ces infrastructures routières lancées à travers tout le pays en pleine saison des pluies, à la gloire du président présenté dans le schéma de reconquête du pouvoir comme un Bâtisseur incontournable en 2016. La sortie médiatique de la Ministre a été donc bien calculée pour servir de ballon d’essai, en attendant le rouleau compresseur des marches et autres appels à la mobilisation générale en faveur d’un 3ème mandat qui passerait comme une lettre à la poste, à l’instar du Ko dont la ministre en mission n’a dit que du bien ,malgré la correction engagée de la Lepi reconnue tronquée, à l’origine du faux Ko. Car le temps presse- le sommet Etats Unis /Afrique approche et les atermoiements sur la correction de la Lépi ne se justifieront plus d’ici à la fin de l’année. Il va falloir aller vite pour faire passer l’idée naguère saugrenue de troisième mandat dans l’opinion comme un des déterminants possibles, quitte à mettre le turbo pour passer à la vitesse supérieure. Yayi qui aime les passages en force est un récidiviste du matraquage médiatique. Ça lui a marché hier pour faire accepter le Ko ; Il n’y a pas de raison pour que cela ne marche pas cette fois ci. Pour contourner les déclarations antérieures contraires prétendument faites devant le pape Benoit XVI qui n’est plus là pour témoigner et le président Obama, hôte du sommet, la réponse est déjà toute préparée : Franklin D Roosevelt cité hors contexte(voir notre article p 3) et le peuple souverain, au dessus de la Constitution.
3ème mandat de Yayi : intégralité de la déclaration de la ministre Amadou Djibril sur Canal 3
Tout cela a un air de déjà vu et ce scénario à la Eyadéma parfaitement décrit depuis des mois par la presse et des hommes politiques de premier plan comme le truculent Candide Azannai, était déjà connu. Car tout le monde savait au regard des actes quotidiennement posés que ce président tient à ce troisième mandat, comme à la prunelle de ses yeux. Personne ne nous contera l’épisode de la tentative avortée de révision de la constitution au parlement et la réaction vigoureuse des médias, de l’ensemble de la société civile et de la classe politique. Le Président Yayi visiblement meurtri et accablé a décidé de changer le fusil d’épaule.
Silence, on nomme !
Tenez ! Ces derniers mois, il s’est résolu à faire profil bas et à travailler en silence. Il n’y a pas que les rumeurs des délégations envoyées vers les rois du septentrion. Il y a le choix méthodique des membres des institutions de contre pouvoir. D’abord la Cour Constitutionnelle, la Cena et la Haac ensuite. Pour la Cour Constitutionnelle, tout est allé très vite. En un tour de main, l’hyper-président règle le sort de Robert Dossou jugé trop indépendant et peu sûr. Puis le président s’est méthodiquement appliqué à choisir des membres sûrs : le cas de cet avocat sans passé politique bien connu et de cette jeune dame de 41ans présentée comme personnalité de grande réputation professionnelle avec sa moins de dizaine d’années de gestion des ressources humaines en tant que contractuelle. Le tout , après avoir demandé et obtenu du parlement de reconduire les anciens membres dont le futur président Holo. Même scénario pour les membres de la Cena désignés pour un mandat de sept ans officiellement élus par le Parlement. Seuls les naïfs peuvent voir dans la nomination de Moise Bossou et d’Emmanuel Tiando les choix du seul Parlement. Tiando, ex ministre de la Fonction Publique n’aurait jamais quitté le prestigieux poste de Secrétaire général à la présidence pour une sinécure, s’il n’était pas investi d’une mission spéciale. Idem pour le très efficace Moise Bossou, professeur de droit dont les mauvaises langues disent qu’il a été le nègre de service pour certaines décisions de la Cour Constitutionnelle. C’est un personnage pittoresque, véritable prototype du cadre béninois prêt à servir partout où besoin sera, s’il y trouve son compte. Il est aujourd’hui en rupture de ban avec le leader du Prd dont il a été pendant deux législatures l’inamovible Directeur de Cabinet. Moise Bossou, pour compléter le tableau, est l’ancien vice- président de la Cena présidée alors par feu Léopold Dossou qui a supervisé l’élection présidentielle fort mouvementée de 1996. C’est un crocodile de la technologie électorale. En tandem avec Tiando, il risque si , l‘opposition ou ce qui en reste, n’y prend garde, de faire un malheur. En face d’eux, le fils Houngbédji néophyte en politique et le Dr Fassinou apparaissent comme de menus fretins qui ne pèsent pas lourds. On verra à l’élection du président de la Cena de quel côté va pencher la magistrate Geneviève Bocco Nadjo repêchée in extremis par la mouvance qui a concocté cette loi inique qui fait dépendre le choix du magistrat élu par ses pairs du bon vouloir des députés. Quant à la Haac, les nominations de son futur président Adam Boni Tessi et de Mme Gracia Noutaïs épouse Holo font planer le doute sur l’impartialité de cet organe de contre pouvoir instrumentalisé par le président à la précédente mandature.
Reste que tout ce scénario Alafia imaginé par les Yayistes purs et durs ne tient aucun compte de ce que d’aucuns appellent le génie béninois qui se réveille toujours au moment où on le croit fini. A l’appui de cette thèse, il y a ce péché mignon de Boni Yayi qui confond souvent vitesse et précipitation. En révélant les dessous du scénario, la ministre Fatouma a dégainé trop tôt. La coalition antirévisionniste a tout le temps de se préparer pour s’opposer au rêve du troisième mandat illicite avec pour seul slogan en 2016 les initiales T.S.Y : TOUT SAUF YAYI. En commençant par lui refuser la majorité qualifiée aux législatives de mars 2015.
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