Réflexions sur les propositions de réformes institutionnelles et politiques au Bénin

Les conclusions tant attendues de la mission que le Chef de l’Etat a confiée à une équipe d’experts sur la réforme de la vie politique viennent d’être portées à sa connaissance et rendues publiques dans leurs grandes lignes.

Publicité

Il est citoyen que chacun de nous les scrute aux fins de se les approprier, le cas échéant, et que ceux qui ont pris la responsabilité de s’exprimer publiquement fassent connaitre leurs opinions. Sait-on jamais laquelle pourrait faire mouche ?

Considérations préalables

Il ne nous viendrait pas à  l’esprit  de trouver à redire à ce, qu’après mûres réflexions et consultations étendues, des sommités auréolées d’expériences élargies ont proposé au Chef de l’Etat. Nous présumons que si elles n’ont pas pris en considération certaines idées que nous défendons dans la présente réflexion, c’est probablement parce que,pesant les avantages et les inconvénients qu’elles pourraient générer, elles ont fait le choix de ne pas en faire cas. Il demeurenéanmoins qu’en cette période de rupture toutes les opinions méritent d’être exprimées et examinées. Au reste, nous  sommes acquis à l’idée qu’en matière de gouvernance aucune action politique ne s’avèrerait licitesi, d’une manière ou d’une autre,  elle n’impactait pas favorablement le bien-être du citoyen. Il nous parait, dès lors, légitime que celui-ci se préoccupe des effets  bienfaisantsqu’en l’occurrence, les réformes proposées par la Commissiontechnique chargée des réformes institutionnelles et politiques, au Chef de l’Etat auront effectivement sur son bien-être.

Lire Rapport de la commission Djogbénou : les critiques du professeur Salami

Publicité

Le manque d’innovations

La Commission nous a prévenu qu’elle n’a pas été chargée de réaliser une réforme globale et intégrale de la Constitution pas plus que de proposer des solutions à tous les problèmes qui ont émaillé les vingt- cinq dernières années de notre histoire politique. Il en résulte, et cela va de soi, qu’elle est restée dans le cadre des institutions prévues dans la Constitution et qu’elle n’a pas proposé des innovations significatives. Il demeure que le menu peuple attendait beaucoup de cette commission étant la première de l’ère du nouveau départ à être installée. Comment tout ce qu’elle a proposé au Chef de l’Etat et qui, au demeurant, nous parait absolument justifié et judicieux,préjuge- t-il, d’abord d’une meilleure participation du citoyen à la vie politiquedu pays, puis de l’amélioration de son bien-être. Les citoyens pourront-t-il dorénavant avoir prise sur leurs représentants, contrôler  leurs actions et participer ce faisant à la vie politique du pays ?

L’opportunité d’un contrôle populaire sur le législatif

La Commission s’est préoccupée, comme il se devait, de l’équilibre des pouvoirs institutionnels. L’innovation aurait été le contrôle du peuple sur le législatif qu’il a élu. Si elle prévoit le contrôle du législatif sur l’exécutif notamment en son article 79, la Constitution est  restée muette en ce qui concerne  le contrôle du peuple sur le législatif. Les écarts et la déchirure qui se sont montrés entre  le peuple et ses représentants  tout au long de  la cinquième législature, auraient dû nous édifier et nous faire admettre l’opportunité et la nécessité de ce contrôle.

Dans le schéma politique actuel,la législature est un blanc-seing qu’accorde le citoyen aux députés ; c’est un chèque en blanc qu’il n’a pas la faculté de retirer, avant le terme de leur mandat, à ceux à qui il l’a délivré..La démocratie  ne peut se limiter à glisser le bulletin  dans l’urne ; elle devrait se poursuivre  par le contrôle du mandat que l’électeura donné aux hommes politiques, et dans notre système, il n’y a rien pour ce faire. Notre démocratie restera donc incomplète si ellese prive de cette composante.

Pour faire court et éviter d’enfoncer des portes ouvertes, nous rappelons qu’il est de notoriété publique que ceux qui sont censés représenter le peuple et défendre ses désidératas auprès de l’Exécutif faillissent largement à la mission que leur a confiée la Constitution. Une fois élus,ils se mettent au service de la cause de leur obédience et de leurs propres intérêts politiques, prompts à tourner casaque et à se positionner dans la direction opportuniste du bon vent. Et cela nous le savons tous. L’on pourrait alors raisonnablement penser que la Commission prenne cette situation fondamentale en compte et suggère un palliatif innovant.

L’initiative populaire

Cette innovation aurait pu être l’initiative populaire. La procédure avait déjà été envisagée dans le projet de révision de la Constitution initié par le régime précédent. Mais dans une atmosphère de suspicion généralisée et justifiée, il faut bien en convenir, le projet de révision avait été globalement combattue emportant avec lui toutes les bonnes dispositions qu’il comprenait dont précisément l’initiative populaire. Cette procédure, à ce que nous y avions compris, devait se faire sous forme de pétitions. Lorsqu’un sujet leur tient à cœur et qu’il ne semble pas émouvoir ses représentants, la Constitution devait permettre aux citoyens d’en saisir l’Assemblée nationale  en recueillant un certain nombre de signatures sur leur demande rédigée sous forme de pétitions. L’initiative populaire pourrait être ainsi un palliatif au manque de contrôle  de l’action législative mais aussi un moyen de pression sur les Représentants. Et nous ne voyons vraiment pas en quoi cette procédure porterait atteinte au régime présidentiel qu’est le nôtre.

A titre illustratif, nous pouvons indiquer que si telle procédure existait, cela aurait fait belle lurette que les citoyens auraient exercé la pression nécessaire sur leurs représentants afin  qu’ils portent les problèmes du logement,auxquels ils sont confrontés de manière récurrente, devant l’Assemblée nationale, obligeant cette dernière à légiférer en la matière. Je ne sais quelle palme il conviendrait de  décerner à nos Représentants pour avoir attendu tout ce temps avant de penser, seulement en cette période de rupture,à légiférer sur ceépineux sujet qui a toujours été la préoccupation dominante de leurs électeurs

Lire Bénin : Commission Djogbénou, la plus chère depuis 2006

Un préambule incomplet

Dans une Constitution, le préambule mentionne d’ordinaire les motifs mêmes de sa rédaction. Il situe les environnements dans lesquels la politique publique se doit  d’évoluer ; il pose les principes fondamentaux nécessaires  à l’élaboration des lois de la République et oriente le législateur ; il synthétise les aspirations du peuple, mais aussi il confère au document toute la solennité qui lui revient. A ce titre l’on pourrait suggérer qu’y figurent les principes directeurs  de gestion publique qui suivent :

Le principe de la recherche du  bien-être social

Le bien-être social est la raison principale de toute politique publique. C’est un droit du citoyen et,  fondamentalement, un devoir d’Etat ; c’est pourquoi nous suggérons qu’il fasse parti du préambule nonobstant les dispositions de l’article 8 qui dispose que l’Etat doit assurer au citoyen l’égal accès à la  santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi. L’homme n’a qu’une aspiration essentielle : son bien- être. Tout le reste ne devrait-être que moyens pour y parvenir. Que ce bien-être soit absent du préambule d’une  Constitution, notamment d’un pays en développement, gêne l’entendement.L’objectif de toute politique publique et qui fait sa raison d’être est le bien-être du citoyen. Lui apporter le bien-être; libérer  l’homme de la pression des besoins fondamentaux et permettre dans toute la mesure du possible l’égalité des chances entre des individus aux capacités financières différentes ; ce devrait être la finalité de toute politique publique. C’est pour cette raison qu’il nous parait indiqué d’accorder bonne place au droit au bien-être du citoyen dans le préambule de notre Constitution.

Le principe et la  détermination de la lutte contre la corruption

La corruption est la gangrène qui ronge notre pays et j’ai entendu dire que 15% des ressources de l’Etat  sont touchés par elle. La détermination du peuple béninois à lutter contre le fléau devrait être mentionnée de manière solennelle au niveau du préambule d’autant que, nulle part dans la Constitution il n’y est fait un brin de mention. La lutte contre la corruption est devenue  un paramètre fondamental et permanent de la gestion des affaires de  l’Etat auquel a complètement adhéré l’ensemble de la société béninoise. Elle s’impose dans le préambule aux  fins de la perpétuer et de la  pérenniser

Au sujet des députés

Concernant les Honorables et la présidence de l’Assemblée Nationale, l’on pourrait suggérer

Une déclaration de leurs biens sur constat d’huissier

. Si les membres du gouvernement déclarent leurs biens, il n’y a pas de raison que les députés ne se plient pas à cette contrainte qui devrait être formalisée par la Constitution. L’argument qui consiste à objecter  que les députés ne gèrent pas des fonds publics et que, partant, il n’est pas utile qu’ils déclarent leurs biens, ne tient pas la route ; en effet point n’est besoin de gérer des fonds publics pour se  laisser corrompre et l’on sait que des  valises circulent dans les couloirs de l’Assemblée nationale.Par ailleurs, leur  déclaration devrait se faire sur  constat d’huissier tant à la prise qu’à la cessation de leurs fonctions. Le citoyen a soif de transparence et il y a belle lurette que la déclaration sur l’honneur a perdu tonte toute crédibilité  aux yeux de  l’opinion publique

La fidélité d’obédience dans l’hémicycle

La ‘’ transhumance ou le ‘’nomadisme’’ politique  est non seulement une injure aux électeurs mais encore une menace à la stabilité politique  nationale ; et point n’est besoin d’épiloguer sur le sujet pour se faire comprendre. La seule loi ne nous parait pas suffisante pour régler cet épineux problème d’autant qu’il peut atteindre jusqu’au sommet même de l’Assemblée Nationale bousculant ainsi les équilibres politiques.

La mutation d’un Ministre en député

Un ministre ne devrait être autorisé à concourir pour la députation que lorsque quitus lui aura été donné de sa gestion des affaires publiques. Autrement l’assemblée deviendra, en raison de l’immunité qui les couvre une fois dans l’hémicycle, le refuge des ministres ayant commis des indélicatesses.

La souhaitable prestation de serment  du Président de l’Assemblée nationale

C’est à l’Assemblée nationale que se trouve la souveraineté nationale et il serait innovant que son Président prête serment ; certes en des termes et des engagements différents de celui du Président de la République. De plus le serment renforcera sa stature de  deuxième personnalité de l’Etat et le respect que l’exécutif doit au législatif. Mais aussi le respect que le Président de l’Assemblée doit lui-même se donner en toutes circonstances, enfermé qu’il sera dans son serment

La mise en accusation du Chef de l’Etat

La Commission recourt à plusieurs solutions : ‘’la première, la plus radicale serait la suppression de la Haute cour de justice et son remplacement par une juridiction ad hoc attributaire de la compétence pour les infractions commises par le Président de la République. La seconde, la plus mesurée, serait le maintien de la Haute cour de justice, assorti de l’allègement des règles de procédure, de la modification de sa composition et de la redéfinition de ses attributions’’.

. Pourquoi donc une juridiction ad hoc, c’est-à-dire constituée pour la circonstance avec tous les risques et les tentations que comportera cette procédure ; pourquoi faire juger en catimini par une juridiction exorbitante du droit commun quelqu’un que le citoyen a placé à la tête de l’Etat, lui faisant confiance, le rémunérant à la sueur de son front et qui, durant son mandat se sera servi au lieu de leservir ; à quelle logique obéirait donc telle juridiction ad hoc ?

Puis, la Commission de poursuivre en proposant l’alternative ‘’plus mesurée’’ par le maintien de la Cour assorti de l’allègement des règles de procédure……..Mais, est-ce de ‘’mesure’’ qu’il s’agit ; y a-t-il mesure dans un crime ? Le problème se trouve en fait dans la politisation systématique de toutes infractions du Chef de l’Etat par le biais des conditions posées pour la levée de son immunité auxquelles il conviendrait de faire face sans détours.

Il se pourrait bien qu’une frange de l’opinion penche pour cette solution mesurée, mais gageons que cette position tiendraitplutôt de la mystification qu’ils se font encore de la fonction de Chef d’Etat ;et, de cela, les plus éclairés d’entre nous devrait l’aider à s’en défaire. Un Chef d’Etat est u serviteur, il n’est pas un potentat.

Du code électoral

Nous savons bien que c’est de la qualité du code électoral que dépend la légitimité de celui à qui nous remettons notre destinée pendant cinq bonnes années. Et nous qui l’avons porté au pouvoir, ne disposons d’aucune procédure pour contrôler ses actions si ce n’est par le biais de nosReprésentants à l’Assemblée nationale ; nous avons alors tout intérêt qu’il soit bien élu. L’innovation aurait été de stigmatiser et de réprouver  le rôle prépondérant de l’argent dans les élections jusqu’aux dernières minutes du vote et le phénomène discursif d’achat des consciences. Le seul financement des partis politiques ne résoudra pas le problème que nous posons. Il s’agira,comme c’est le cas dans toute démocratie qui se porte bien. de criminaliser toute action patente d’achat des consciences.Il est vrai que, dans ses promesses de campagne, le Chef de l’Etat a promis de réduire le rôle de l’argent dans les élections.

Nous venons d’évoquer d’ores et déjà nos préoccupations parce que, semble-t-il,  un référendum se profile  à l’horizon 2017 sur toutes ces réformes. Et le référendum est, à notre avis, la chose la moins démocratique qui soit sous un couvert démocratique, la plus téméraire aussi. Il vous fait  répondre par un oui ou par un non, sans plus d’autre alternative et sans plus de possibilité d’amendement ; et votre réponse vous enferme pour toujours. Aussi est-il pressant d’exprimer tout ce qui nous parait utile avec quelque espoir  qu’il soit pris en considération afin quele oui ou le nondu référendum ne soit pas un dilemme pour le citoyen le laissant perplexe, mais une certitude apaisante.

Ambassadeur Candide Ahouansou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité