Bénin : «Renforcer la production agricole pour financer les cantines scolaires», dixit Guy Adoua, RR du PAM

Au-delà de l’offre de repas aux enfants, les cantines scolaires constituent aujourd’hui, non seulement un facteur de succès dans l’éducation mais aussi de développement de l’économie locale. Au Bénin, le programme alimentaire est conduit dans une approche inclusive autour du développement de la production agricole locale. Il est conduit par le Programme alimentaire mondial (PAM) suite au partenariat signé avec le gouvernement béninois le 20 juillet 2017.

Le représentant résident du PAM au Bénin, Guy Adoua, expose dans une interview qu’il nous a accordée, cette option, le contenu, l’état actuel et les projections. Ceci, partant de l’instauration de journée africaine de l’alimentation scolaire (JAAS) par les chefs d’Etat africain.

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Depuis 4 ans, l’alimentation scolaire en Afrique fait objet de célébration chaque 1er mars. Quel est l’intérêt ?

C’est surtout pour donner un sens à l’alimentation scolaire. C’est pour s’assurer que les enfants qui constituent notre futur ont tout ce qu’il faut dès leur jeune âge, dès l’instant qu’ils vont à l’école pour se ressourcer et être de véritables générations qui vont remplacer les générations actuelles. C’est dans ce sens qu’on a pensé que l’alimentation était l’un des éléments à prendre en compte pour s’assurer que les enfants seront en train de bien se préparer à leurs futures responsabilités.

Y avait-il un contexte particulier en cette période qui a orienté la décision des chefs d’Etat ?

Au moment des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), on n’a fait un petit état des lieux. La plupart des pays n’ont pas atteint le millénaire de développement en rapport avec  l’éducation surtout l’éducation pour tous. L’une des raisons, c’était qu’on n’arrivait pas à maintenir les enfants à  l’école. Il y avait d’autres facteurs dont celui lié à l’alimentation. Vous conviendrez avec moi que quand on ne mange pas on n’est pas concentré.

Un enfant qui n’a pas bien mangé ne fera que dormir à l’école car il n’aura pas tout ce qu’il faut pour se concentrer et donner des résultats. C’est donc fort de ce constat que les chefs d’états ont pensé qu’il fallait encourager les programmes d’alimentation scolaire pour assurer au moins aux enfants un repas à l’école pour qu’ils soient concentrés pour suivre le cours dans de meilleures conditions. Voilà les raisons qui sous-tendent cet engagement fort dont nous sommes à la 4ème édition.

Qu’est ce qui a pu évoluer depuis la première édition ?

Les thèmes sont restés autour de la production locale au fil des années. Tout tourne autour de la production agricole locale. Ce qui a pu évoluer, c’est la prise de conscience. On observe de plus en plus des initiatives visant à renforcer la production agricole pour pouvoir financer les programmes de cantines scolaires aujourd’hui. Il y a des initiatives de jardin autour des écoles y compris la pisciculture pour apporter les protéines animales afin d’essayer de varier ce que le PAM apporte.

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Le PAM a un panier composé de céréales, de légumineuses, de l’huile, de sel mais il faut aussi de temps en temps des protéines animales. C’est d’ailleurs ces initiatives et expériences qui ont permis à  l’école primaire publique d’Agbodjèdo dans les Aguégués d’être récompensée lors de la cérémonie officielle de la 4ème édition de la JAAS à Toffo jeudi dernier -7 mars 2019, ndlr-.

Il y a également des initiatives allant même à développer des petits programmes d’élevage de volailles, de production des œufs autour des écoles. Aussi, a-t-on vu à l’extérieur des écoles, des initiatives de grands champs communautaires pour appuyer le programme. Les vivres étaient achetés. Quelques fois, ils venaient de l’extérieur mais de plus en plus on est en train d’encourager la production agricole locale.

En faisant de cette manière, on essaie d’entraîner aussi la communauté, les paysans et les producteurs dans le programme pour en faire un véritable programme intégré. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience et puis, il y a un niveau de contribution de la communauté qui devient de plus en plus considérable. Les parents d’élèves, les associations et autres couches s’investissent pour produire et alimenter les programmes.

Quel est le lien entre tout ceci et le don de moto du PAM à l’occasion de la JAAS 2019 ?

Notre travail n’est pas au bureau. Au bureau, c’est juste mettre en place des stratégies qu’il faut aller appliquer sur le terrain. Nous avons besoin d’être beaucoup plus proches des écoles, d’aller discuter avec les communautés, les parents, les élèves, les enseignants, les transporteurs,… pour s’assurer que le Programme fonctionne bien, c’est-à-dire, les vivres sont là en bon état, dans de bonnes conditions, que les gens qui préparent sont là, qu’il y a des fiches qui sont suivies au jour le jour.

Ces motos, c’est pour s’assurer de la présence de tous les acteurs sur le terrain, d’être plus proches des écoles, d’être plus mobiles. Avec une moto on peut visiter facilement 5, 10, 15 écoles dans la journée. Avec les motos nous –PAM, ndlr- passons de plus de 1500 écoles à plus de 3000 écoles, bientôt 4000 écoles. Nous allons aussi doter ces motos à certaines structures qui nous accompagnent dans le suivi programme sur le terrain. Au-delà des motos, nous avons d’autres initiatives qui vont arriver.

Parlez-nous de quelques-unes

Actuellement, nous sommes en train de développer un mécanisme de gestion de plainte. On va arriver à obtenir un numéro vert gratuit qui devrait permettre aux bénéficiaires et à tout citoyen de nous contacter depuis là où il se trouve. S’il remarque quelque chose en rapport avec le fonctionnement des cantines scolaires, il appelle et nous dit le problème et on intervient.

J’ai travaillé dans les programmes d’alimentation scolaires y compris celui du Rwanda. On n’a pu mettre en place un mécanisme qui nous permettait de recevoir des informations surtout des élèves. En un mot, nous voulons avoir un système de communication qui fonctionne pour que chaque fois qu’il y a un problème nous intervenons.

En termes d’innovations, il y en aura beaucoup. Je pense que le fait d’associer dans les tous prochains mois les groupements des femmes dans la production agricole et que les vivres dans les écoles vont être achetés auprès de ces fermiers ou de ces femmes seraient quelque chose de très bien. On donne aussi la possibilité, l’opportunité à d’autres couches vulnérables et on va les encadrer à ce que leurs produits soient aussi compétitifs du point de vue qualité et quantité. Cela veut dire que le Programme ira au-delà de l’éducation.

On a aussi des mécanismes de suivi dont une application d’information accessible à tout le monde sur les cantines scolaires. Avoir des petits programmes dans les écoles autour d’élevage de volailles, élevage de cabri, production d’œufs ; réfléchir sur comment motiver les écoles dont les communautés ne fonctionnent pas assez bien ; proposer des prix et faire en sorte que les écoles qui fonctionnent bien avec beaucoup d’initiatives partagent leurs expériences avec les autres sont autant d’innovations que nous comptons faire. Déjà le fait d’utiliser les motos fait partie de ses innovations.

L’avantage que nous avons ici est que le gouvernement du Bénin est pleinement impliqué, c’est une particularité. C’est pour nous une force parce que toute initiative que nous aurons à apprendre, nous aurons son appui pourvu que ces initiatives nous amènent vers des résultats visibles et palpables. Un programme d’alimentation scolaire est très  délicat. Ce n’est pas aller donner seulement les vivres.

Il faut arranger tout ce qui est logistique, s’assurer qu’il y a un plan de distribution qui prend en compte les besoins dans les écoles, que les transporteurs viennent à temps, qu’ils transportent les vivres et s’assurer que les vivres arrivent à temps quel que soit le lieu, même dans les zones reculées. Et là, ce n’est pas la fin du problème. Il faut que les cuisinières s’organisent aussi à bien gérer et à  préparer tous les jours pour que les enfants mangent tous les jours. Il faut s’assurer de la qualité et de la quantité. 

A la JAAS, le personnel féminin du PAM a offert des kits de cuisine aux femmes cuisinières des cantines. Qu’elle est votre appréciation ?

J’ai été émerveillé par cet acte posé par mes collègues. J’avoue que je n’étais vraiment pas impliqué. J’apprécie beaucoup cette initiative. Cet acte voudrait dire qu’elles aussi, en dehors de faire partie du PAM, ont aussi une contribution à apporter, à leur manière, pour le succès de ce programme. Le message voudrait dire que le Programme d’alimentation scolaire ne devrait pas concerner que le gouvernement ni les écoles. C’est une affaire de tout le monde y compris les hommes et femmes de la presse.

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