Le taux de mortalité pour faute de nutrition est en hausse dans le département du Mono au Bénin. Les statistiques du service de pédiatrie du Centre hospitalier départemental (CHD-Mono) pour le premier trimestre 2019 inquiètent les responsables du service. Ils lancent un plaidoyer au Programme alimentaire mondial (PAM) pour faire face aux causes bien connues.
«En janvier, 1,36% des patients admis étaient des malnutris sévères. Ce pourcentage a augmenté en février et en mars. Le plus fort pourcentage était en mars avec 6,7%.» Dr Cléopâtre Adisso, pédiatre au CHD-Mono résume ainsi l’évolution des cas d’enfants malnutris reçus dans son service.
Déjà, cette courbe ascendante inquiète ses collègues et elle. Mais ce qui les préoccupe encore plus, c’est le nombre d’enfants perdus parmi ces malades. «Il faut dire que sur les patients qu’on a eus, qui étaient des malnutris sévères, on a eu 35% de décès» regrette-t-elle. «On n’a pas eu autant de décès les autres années. Cela nous interpelle beaucoup.» ajoute-t-elle.
Manque de local de nutrition et d’intrants
Cette situation est due entre autres, aux conditions et difficultés de prise en charge de ces enfants malnutris. «La plus grosse difficulté, c’est qu’on n’a pas un centre de nutrition au CHD ici», rapporte Dr Cléopâtre Adisso. De ce fait, les enfants malnutris qui présentent des complications sont admis dans le même service que les autres enfants ordinaires.
Conséquence, «après la levée des signes de complication, nous n’arrivons plus à faire un suivi correct des enfants parce qu’il faut qu’ils soient admis dans un centre ayant des locaux bien adaptés où l’alimentation doit être suivi de façon régulière, des repas réguliers et un personnel affecté et adéquat à ces enfants » confie la pédiatre. A ses dires, après cette phase, il faut nécessairement un suivi au niveau nutritionnel.
Ce taux de décès est aussi dû à la cohabitation entre les enfants malnutris et ceux souffrant d’autres pathologies. D’après Maurice Hermann Tchibozo, IDE/Sts, « ces enfants malnutris sont sensibles ; ils ont un système immunitaire affaibli ; lorsqu’on les mélange avec d’autres enfants qui souffrent d’infections, ils chopent d’autres gènes qui les emportent facilement ».
Au problème de local, il faut ajouter la non-disponibilité d’intrants dont les laits thérapeutiques. «Nous sommes obligés de faire des préparations de façon artisanale » confie Dr Cléopâtre Adisso. Ce qui, à l’en croire, revient encore plus cher aux parents qui déjà ont des revenus limités. Il faut également souligner que c’est le même personnel qui s’occupe des urgences qui prend en charge le suivi nutritionnel. Du coup, les heures de repas sont parfois décalées surtout quand l’agent a une urgence à gérer à l’instant.
Sauver des enfants qui meurent de nutrition
Face à une telle situation, les responsables de la pédiatrie du CHD-Mono saluent certes, les efforts de la direction qui a rendu gratuite l’hospitalisation des malnutris, mais ils défendent qu’il y a urgence. Il s’agit de doter l’hôpital d’un centre de nutrition avec un personnel détaché. Ils avouent que la direction a attribué déjà un local à propos. Il reste à le réhabiliter puis trouver un personnel adéquat et aussi le matériel dont les laits thérapeutiques et autres intrants.
A cet effet, ils implorent l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM). «On aimerait que le PAM nous aide à réaliser un centre de nutrition digne du nom» plaide Dr Cléopâtre Adisso. Elle rappelle que par le passé, notamment l’année dernière, le PAM a contribué à la prise en charge nutritionnelle à travers la formation des agents de santé sur le suivi nutritionnel, la fourniture des intrants pour la préparation de bouillie enrichie, etc.
Elle souhaiterait également que le PAM puisse reprendre avec les séances de pesée au niveau communautaire, car cela permettait de vite détecter les cas de malnutrition et de prévenir les malnutritions aigües modérées. La réalisation de ces doléances « permettra de limiter cette mortalité; car moins il y a d’enfants malnutris, mieux sera la prise en charge», martèle Dr Cléopâtre Adisso. «C’est une pathologie qui demande beaucoup d’attention, de disponibilité et de patience. Il y a des cas d’enfants qu’on perdait facilement par défaut de nutrition» alerte-elle.
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