Le gouvernement du président Talon se prépare à ouvrir une page noire dans les annales de la diplomatie béninoise. D’ici quelques jours, environ une demi-douzaine d’ambassades, de consulats et de postes diplomatiques du Bénin seront fermés dans plusieurs pays.31 juillet 2019. C’est la date limite fixée par une décision de l’Etat béninois pour mettre fin à certaines missions diplomatiques et consulaires du Bénin. Et ce, pas des moindres ! Le gouvernement béninois supprime ainsi d’un trait de plume les ambassades du Bénin à Ottawa au Canada, en Algérie et à Téhéran en Iran. Dans la foulée, les Consulats généraux du Bénin à Kinshassa en Rdc -après la fermeture déjà de l’ambassade- et à New York aux Usa fermeront aussi leur porte. Au surplus, le poste de représentant permanent adjoint du Bénin à l’Onu sera supprimé.
Des relations pourtant anciennes…
C’est là un coup de tonnerre qui s’annonce dans les relations entre le Bénin et ces différents pays qui ont quand même des relations importantes et de vieille date avec ce pays d’Afrique de l’Ouest modèle de démocratie en Afrique. Entre autres, le Canada est le deuxième pays francophone au monde après la France avec lequel le Bénin a des relations anciennes et diversifiées et qui a bénéficié d’importants programmes dans l’agriculture, l’éducation, la communication etc.
Certes le Canada pour des raisons qui lui sont propres n’a pas de représentation permanente au Bénin. Son ambassade à Accra Ghana accueille régulièrement les voyageurs de notre pays en quête du précieux visa canadien. C’est le Bénin qui a intérêt à ouvrir une représentation dans un pays tiers qu’il estime important pour les avantages qu’il peut en tirer.
Outre le Canada, il n’est pas superflu d’évoquer le cas de l’Algérie. Avec ce pays important du Maghreb sorti victorieusement d’une longue guerre héroïque contre le colonisateur français, le Bénin a créé au milieu des années70, la Compagnie béninoise de navigation maritime (Cobenam) aux premières heures de la période révolutionnaire.
L’Algérie dirigée tour à tour par les présidents Boumediene et Abdel Aziz Bouteflika a contribué à la formation de nombreux cadres dans les domaines aussi divers que la marine marchande et la défense pour ne citer que ceux là. Au cours du dernier mandat de Kérékou II, le soutien appuyé de l’Algérie au Bénin à travers la vente de pétrole à un prix abordable a été déterminant pour juguler la crise pétrolière.
Une source interne au ministère des Affaires étrangères rappelle que l’Algérie avait pris la tête des pays qui ont soutenu la candidature de notre compatriote Moïse Mensah, qui vient de passer l’arme à gauche, au poste prestigieux de Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Quand on sait que dans le même temps, le pays voisin et frère ennemi qu’est le Maroc est maintenu comme poste diplomatique offert à un membre du clan au pouvoir, on imagine sans peine la réaction des autorités algériennes. D’autant que les investisseurs du royaume chérifien ont pris depuis quelques années des pans entiers de notre économie dans les secteurs bancaires et celui des assurances notamment.
On peut citer pour clôturer ce tableau sombre des suppressions d’ambassades le cas de l’ambassade du Bénin en Iran, l’Iran un grand pays du Golfe persique avec qui le Bénin a noué de bonnes relations commerciales et dont le très nationaliste président Ahmadinedjad a même effectué une visite dans notre pays sous le précédent gouvernement.
Des incongruités
Peut-être nous dira-t-on que la fermeture de ces ambassades et consulats participe de la réduction des charges de l’Etat mais pendant que le gouvernement ferme ces postes dans un grand pays comme les Etats-Unis par exemple, en France seule, il fait pourtant l’option de quatre représentations.
Outre l’Ambassade, dirigée depuis 2016 par un diplomate à la retraite et le consulat général, on trouve dans la seule capitale française, la Représentation Permanente de notre pays à l’Unesco dirigée par deux non diplomates : un proche du couple présidentiel et ….un religieux, opportunément nommé dans le cadre de la longue résolution de la crise fratricide qui a secoué une grande Eglise.
La dernière incongruité est la récente nomination d’un cinéaste au poste inexistant d’ambassadeur du Bénin à l’Organisation internationale de la francophonie (Oif). Ceux qui croyaient qu’avec l’éviction de l’inénarrable bloggeur bien connu Benoit Ilassa du poste pour un strapontin de conseiller à l’ambassade du Bénin à la Havane, notre gouvernement a voulu corriger son erreur, en ont pour leurs frais.
Certes, à son arrivée, le régime du président Talon avait voulu fermer des ambassades mais les observateurs font remarquer que notre président s’est plutôt empressé de réserver les postes les plus « juteux » aux parents, amis et alliés politiques. Ce n’est pas dans les missions diplomatiques au Brésil, en France, en Italie au Vatican, en Russie, au Maroc ou au Nigéria que les diplomates relégués à des postes de supplétifs pourront dire le contraire.
Que sont devenus les syndicats de diplomates qui naguère donnaient de la voix pour exiger le respect des dispositions retenues à la conférence nationale qui voudraient que la diplomatie revienne aux diplomates ? La Rupture est passée par là.
Dans la nouvelle option de l’Etat béninois, on apprend même que le domaine de l’ambassade du Bénin à Ottawa acquis naguère à grand frais par notre Etat, est sur le point d’être bradé. Tout ceci fait dire à notre source citée plus haut que le régime dit de la rupture est décidément mal conseillé
Critères douteux
La fermeture annoncée de l’Ambassade du Bénin à Ottawa au Canada amène les observateurs de la vie politique à s’interroger sur les critères qui ont présidé au choix des missions diplomatiques à supprimer. Le cas du Canada paraît de ce point de vue à la fois emblématique et curieux. Le dernier diplomate en date est un proche de la première dame, professeur des collèges de son état, déclaré persona non grata par le pays hôte pour…. harcèlements et agressions sexuels.
Informé, le gouvernement de notre pays s’est d’abord empressé de le rappeler pour consultation, avant de le nommer aussitôt dans la capitale d’un grand pays de l’Est. Est-ce en représailles contre la mesure infligée à un membre du clan au pouvoir ou pour respecter des critères de rentabilité et d’intérêts immédiats et à long terme de notre pays?
On sait que pour soutenir cette mesure exceptionnelle, une ministre du gouvernement canadien a séjourné dans notre pays, sans qu’on puisse savoir de quoi il a été question au cours de cette visite très peu médiatisée. Reste à savoir, s’interroge encore notre source, si notre gouvernement osera fermer l’ambassade du Bénin à Washington depuis que le titulaire du poste a été aussi déclaré persona non grata pour les mêmes raisons que son ex-homologue d’Otttawa.
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